Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Le Copyright Madness revient cette semaine sur la politique de l’éditeur Elsevier sur l’accès aux articles scientifiques, le robocopyright de Facebook ou encore Fallout 4. Bonne lecture, et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Reviens, Aaron ! On se souvient de la manière dont l’activiste Aaron Swartz avait été poursuivi en justice pour avoir téléchargé au MIT trop d’articles scientifiques à partir de la base JSTOR. Ce type de problème continue et certains chercheurs sont considérés comme des pirates, simplement parce qu’ils essaient d’explorer de nouvelles voies pour faire avancer la science. C’est ce qui est arrivé cette semaine au statisticien américain Chris Hartegerin. Celui-ci a téléchargé 30 000 articles en psychologie de la base ScienceDirect de l’éditeur Elsevier, afin de procéder à des fouilles de textes automatiques. Elsevier a réagi en menaçant de couper l’accès à sa base pour la bibliothèque de l’université et en déclarant que ce comportement pouvait être considéré comme du « vol de contenus ». Il est urgent de mettre fin à cette privatisation de la science qui devrait être un bien commun !

Fous à lier. Décidément, les liens hypertextes sont dans une mauvaise passe ces derniers temps. Cette fois, on apprend qu’un tribunal a déclaré que vous pouviez être reconnu coupable de violation de droits d’auteur si vous collez un lien sur Storify, Facebook ou bien Twitter. Plus précisément, le tribunal a considéré qu’un théâtre de Glasgow s’est rendu coupable en intégrant un simple lien vers un blog sur son compte Storify. Le lien en question affichait une photographie sans avoir l’autorisation du photographe. Et pour avoir commis cet acte ignoble, le théâtre doit payer 1500 euros en dédommagement au photographe. D’une part, s’il fallait condamner quelqu’un, pourquoi n’est-ce pas le blogueur ? D’autre part, la condamnation pour violation de copyright est fondamentalement absurde ici. Heureusement que nous n’utilisons plus Storify ! ;-)

Big Facebook. Depuis cet été, Facebook a déployé comme YouTube un système automatique de filtrage des vidéos, lui permettant de repérer les contenus protégés par le droit d’auteur. À la différence du robocopyright de YouTube, celui de Facebook est peut-être moins susceptible d’entraîner des dérives, car il n’effectue pas de retrait automatique et implique toujours l’intervention d’un humain pour vérification. Mais l’association EFF pointe un problème d’un autre ordre. Alors que sur YouTube, les vidéos sont partagées en public, ce n’est pas forcément le cas sur Facebook. Cela va donc amener le dispositif de filtrage à scanner des vidéos privées partagées entre amis, mais aussi à les montrer à des vérificateurs… ce qui pose quand même de sacrés problèmes de respect de la vie privée !

Trademark Madness

Mon beau sapin. Vous êtes sans doute déjà entré dans une voiture où se balance un petit sapin désodorisant accroché au rétroviseur. Aux États-Unis, ces objets en apparence anodins font l’objet d’une guerre sans merci devant les tribunaux. La compagnie Car-Scent est historiquement à l’origine de ces « Little Trees » en forme de sapin. Elle cherche depuis plusieurs années à faire condamner un concurrent dénommé Exotica Fresheners pour violation de marque, qui commercialise de son côté de petits palmiers parfumés. Parfois, les couleurs ou les noms de ses produits peuvent se rapprocher de ceux vendus par Car-Scent. Mais de là à penser que le public ne saurait pas faire la différence entre un sapin et un palmier, Il y a de quoi grimper à l’arbre !

Couper les cheveux en 4. Les cas de Trademark Madness ont souvent une allure de combat de David contre Goliath. L’histoire qui suit n’échappe pas à la règle. La société Toys’R Us connue mondialement pour être un leader du jouet a décidé de s’attaquer à une autre entreprise spécialisée… dans l’extension de cheveux ! La malheureuse entreprise a eu la mauvaise idée de s’appeler Hair Are Us… Le géant du jouet craint que la désignation Hair Are Us sème le trouble dans l’esprit des consommateurs et provoque une dilution de sa marque. Évidemment, vous ou vos enfants allez bêtement jouer avec des extensions capillaires ou bien vous mettre des Barbies ou des Playmobils dans les cheveux…

Home run. Le dernier opus du jeu vidéo Fallout vient de sortir. À peine commercialisé, les fans se sont emparés des potentialités offertes par le jeu pour créer des mods. Cette pratique est très répandue au sein de la communauté des gamers. Mais parfois, un grain de sable vient bloquer l’engrenage du mashup. C’est ce qui est arrivé à Richie Branson, créateur du mod « David Ortiz ». Le jeu Fallout 4 se déroule dans un Boston apocalyptique. Notre Richie a eu la bonne idée de créer des méchants qui portent le maillot de l’équipe de Baseball des Red Sox de Boston. Il n’a pas fallu longtemps pour que la Ligue Majeure de Baseball (MLB) se réveille et interdise l’utilisation des ses marques dans le jeu. Inutile de préciser que le mod en question était gratuit.

Fallout 4

CC Marco Verch

Patent Madness

Doux-amer. La stevia constitue un édulcorant naturel que l’on retrouve dans de nombreux produits et notamment dans le dernier Coca Cola Life. La société Coca Cola a d’ailleurs beaucoup misé dans sa communication sur le fait qu’elle employait un produit naturel, utilisé de manière ancestrale par les indiens Guarani d’Amérique du Sud. Le problème, c’est que la stévia a fait aussi l’objet de plus de 1000 dépôts de brevets par de grandes multinationales, Coca Cola en tête. Il s’agit en fait d’un cas emblématique de biopiraterie, dénoncé par l’association « Déclaration de Berne » qui milite pour que les peuples indigènes puissent bénéficier d’un pouvoir de contrôle et d’un juste retour sur la réutilisation de leurs connaissances traditionnelles. Coca Cola, c’est ça !

Copyright Wisdom

Résister. La région parisienne a été victime d’effroyables attentats la semaine dernière, qui ont donné lieu à plusieurs actes de générosité et d’altruisme. C’est exactement ce que nous a prouvé un photographe qui fait partie des rescapés du Bataclan. Il a en effet décidé de libérer les photos prises le soir du concert, avant l’attaque des terroristes. Ses photos sont désormais librement réutilisables par chacun d’entre nous ! Photographier, libérer, partager : une belle devise à inscrire sur les frontispices de nos mairies.

Sans scrupule. Nous ne sommes pas toujours d’accord avec les décisions prises par l’Institut National de la Propriété Industrielle. Mais nous nous devons de saluer sa décision de rejeter les tentatives de dépôts de marques « Pray For Paris » et « Je Suis Paris ». Comme souvent après chaque catastrophe, des charognards essaient de profiter d’une situation pour déposer le slogan lié à l’événement pour pouvoir vendre notamment des produits dérivés. C’est hélas ce qui était déjà arrivé avec « Je suis Charlie » en janvier dernier. L’INPI réaffirme que ce genre de termes ne peuvent pas être captés par un acteur économique, en raison de leur perception par le public au regard des événements. C’est vrai aussi qu’à force d’être « JeSuis… », il y a un énorme risque de confusion et de dilution des marques ! ;-)

https://twitter.com/Aede/status/667688621667930112

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !


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