Un amendement ajouté au projet de loi confortant le respect des principes de la République propose d’étudier la faisabilité d’une levée de l’anonymat sur les réseaux sociaux.

C’est une initiative parlementaire qui aurait pu passer inaperçue, mais qui a fini par être repérée par des journalistes spécialistes du suivi des travaux à l’Assemblée nationale. Le 14 janvier, la journaliste Sabine Blanc a signalé sur Twitter un amendement au projet de loi confortant le respect des principes de la République (ex-projet de loi sur le séparatisme) qui propose de réfléchir à la levée de l’anonymat sur les réseaux sociaux.

Plus exactement, l’amendement, qui est soutenu par 17 parlementaires issus pour la plupart des rangs de La République en marche (LREM), demande au gouvernement que soit remis au parlement « un rapport d’information visant à évaluer la faisabilité et les conséquences de la levée de l’anonymat» sur les réseaux sociaux. Il devrait être produit dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

Facebook a supprimé 1,5 milliards de comptes. // Source : Capture d'écran / Numerama

Facebook a supprimé 1,5 milliards de comptes.

Source : Capture d'écran / Numerama

L’amendement, qui n’a pas été déclaré irrecevable par l’Assemblée nationale, fait observer entre autres que les sites communautaires « conduisent à de nombreux abus : diffusion de fausses informations, rumeurs infondées, tentatives de manipulation de l’opinion publique ». Il ajoute que ces plateformes « servent, de plus en plus souvent, de support à la diffusion de messages haineux et d’idéologies violentes. »

Estimant que les réseaux sociaux « n’apportent pas de réponse satisfaisante », les élus considèrent qu’une levée de l’anonymat « dissuaderait les auteurs de contenus illégaux », permettrait en outre « de les poursuivre immédiatement ». « L’anonymat peut, la plupart du temps, encourager un sentiment d’impunité et conduire à des dérives inacceptables aux conséquences désastreuses », assènent-ils.

À l’appui de leur démonstration, les députés font état des informations sur la vie privée, familiale ou professionnelle qui sont jetées en pâture sur le net par des individus mal intentionnés, « dans le but de porter atteinte à [l’]intégrité physique ou psychique » d’autrui. Aucun exemple n’est donné, mais l’affaire Samuel Paty, ce professeur dont le meurtre a été facilité par la diffusion de telles informations, n’est pas loin.

Dans leur exposé des motifs, les élus admettent néanmoins que cette levée de l’anonymat « ne peut s’envisager sans étudier les conséquences sur la liberté d’expression ». C’est ce que devra notamment étudier le rapport, à supposer qu’il soit effectivement produit. Mais il apparaît clair que ces élus y sont favorables, car l’autorégulation des plateformes est jugée défaillante ou, en tout cas, trop tardive.

Comment vérifier l’identité ? Et par qui ?

Il faudra également voir si le rapport parvient à répondre à d’autres problématiques qui gravitent autour d’une levée de l’anonymat. Ainsi, qui va se charger de vérifier que c’est la bonne identité qui est bien donnée (sinon, la levée ne mènera nulle part) ? À partir de quelles données et selon quelles modalités de conservation ? Et surtout, le rapport va-t-il constater qu’il n’y a pas vraiment d’anonymat sur le net ?

Par ailleurs, ce qu’on appelle anonymat est tout relatif sur certains réseaux sociaux. En effet, on s’affiche avec son vrai nom dans une grande majorité des cas (Facebook) ou l’on n’hésite pas à afficher son visage (Snapchat, TikTok, Instagram…). Et pourtant, cela ne dissuade pas tous les comportements. Le problème, c’est surtout l’effet de meute, la viralité et les moyens insuffisants de la justice pour y faire face.

C’était ce qu’a indirectement reconnu Cédric O, le secrétaire d’État au numérique, en début d’année, alors qu’il s’exprimait au sujet de la haine en ligne, qui est l’une des facettes sur laquelle porte le projet de loi sur les principes républicains : « L’anonymat n’est pas au cœur du problème. […] Si tout le monde était sous son vrai nom, on ne saurait de toute façon pas gérer la viralité et la massification des contenus. »

Il reste maintenant à savoir si LREM accordera ses violons sur ce rapport, car tout le monde dans la majorité présidentielle n’est pas enthousiaste à l’idée du rapport et de ce qui est proposé. Le texte, déposé le 9 décembre au parlement, est en cours d’examen à l’Assemblée nationale au niveau d’une commission, qui mène une série d’auditions. Son passage en séance plénière est prévu pour février.

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