Dessins et modèles, brevets, semi-conducteurs, marques, obtentions végétales… C’est toute la panoplie du parfait petit juriste en propriété intellectuelle que le « projet de loi de lutte contre la contrefaçon » s’apprête à toiletter, sans oulier bien sûr le chapitre sur la propriété littéraire et artistique. Les sénateurs doivent examiner aujourd’hui en seconde lecture ce texte issu de la directive européenne 2004/48/CE dont le rapporteur était Janelly Fourtou, qui n’est autre à la ville que l’épouse de Jean-René, président de Vivendi (Universal Music, Canal +, SFR, Vivendi Games, Neuf Cegetel…).
La directive doit harmoniser au niveau européen les sanctions en matière de contrefaçon, le plus souvent en les révisant à la hausse. La directive était toutefois passée relativement inaperçue auprès du grand public, notamment parce que Mme Fourtou avait consenti à limiter la directive au cadre des actes de contrefaçon perpétrés « à l’échelle commerciale ». « Dorénavant, seules les actions commises à l’échelle commerciale seront répréhensibles. La définition d’échelle commerciale exclut les actes commis par des consommateurs finaux de bonne foi, qui n’agissent pas dans le but d’obtenir un avantage économique ou commercial direct ou indirect« , avait même commenté Janelly Fourtou au Parlement européen. Cette garantie devait éviter que la directive ne devienne le prétexte à une chasse au P2Piste, dont l’effet néfaste sur l’économie de l’industrie culturelle reste excessivement discuté.
Or le projet de loi français, qui devrait être adopté sans aucune difficulté faute d’opposition dans l’hémicycle (seuls les Verts et les communistes s’y opposent), s’est allégé de dispositions protectrices. La France a choisi de supprimer cette référence à l’échelle commerciale, sur les conseils (.pdf) du rapporteur au Sénat Laurent Béteille. La ministre de la Culture et de la Communication Christine Albanel, qui ne laisse plus de doute sur sa préférence au premier volet de son ministère, a confirmé qu’elle ne voulait pas de cette limitation dans le texte français. Toutes les contrefaçons, quelle que soit l’ampleur ou la finalité, seront par principe sanctionnées.
Le texte prévoit de donner aux organisations professionnelles la possibilité d’enquêter sur les infractions, de relever les preuves, et d’ester en justice au nom de leurs membres après les avoir prévenus. Une manière de préparer le terrain à la riposte graduée, après la décision du Conseil d’Etat qui annule les garanties de protection de la vie privée souhaitées par la CNIL.
Mais surtout, le texte semble disposer étrangement d’un mécanisme de peine plancher à l’encontre de tout contrefacteur, ce qui inclut les internautes coupables d’avoir téléchargé et mis à disposition des œuvres sur les réseaux P2P. Le texte fait en effet obligation aux juridictions, lors du calcul des dommages et intérêts, de prendre en compte au minimum « le manque à gagner » des ayant droits, et prévoit qu’il est possible, à la demande du plaignant, d’allouer « une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte ». Est ainsi inscrit dans le marbre de la loi le fait qu’un téléchargement doit être indemnisé au minimum par le paiement du prix équivalent de l’œuvre dans le commerce.
Rappelons pourtant que toutes les études livrées sur le sujet démontrent qu’au mieux le P2P fait perdre une vente tous les 5000 téléchargements (Oberholzer et Strumpf, 2004), au pire une vente tous les 6 téléchargements (Liebowitz, 2004). Aucune étude ne conclut que chaque contrefaçon est un manque à gagner.
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