La Pologne se met en première ligne pour combattre la directive Copyright. Ce n’est pas un parti libéral qui sonne la charge, mais une formation conservatrice.

Un autre front s’ouvre contre la directive sur le droit d’auteur. Les opposants au texte ayant perdu la bataille au Parlement européen, c’est désormais devant les tribunaux du Vieux Continent que le combat sera mené. Mais, signe préoccupant de l’état de l’Union et d’une certaine inversion des valeurs, ce n’est pas un parti libéral, au sens politique du terme, qui mène la charge, mais un parti ultraconservateur.

La Pologne attaque la directive

C’est en effet le parti polonais Droit et Justice — contrôle non seulement les deux chambres du parlement mais aussi le gouvernement — qui a sonné la charge contre le texte, qui a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 17 mai. Mais du droit et de la justice, il n’en a que le nom.

Libération en fait une description bien sombre : il est accusé de « démanteler la démocratie avec des politiques conçues pour contrôler les médias et le système judiciaire ». Et dans une logique de défense des « valeurs familiales traditionnelles », il restreint l’avortement, rejette les cours d’éducation sexuelle et refuse le mariage entre personnes de même sexe.

Voilà donc le profil de Droit et Justice, qui se dresse aujourd’hui contre la directive, avec la décision de lancer un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, au motif que la directive constitue une mesure disproportionnée qui alimente la censure et menace la liberté d’expression. C’est le Premier ministre Mateusz Morawiecki, en poste depuis la fin 2017, qui en a fait l’annonce le 23 mai sur Twitter.

Une annonce avant le scrutin

Certes, l’opposition de la Pologne à la directive ne date pas d’hier. Au Conseil européen du 15 avril Varsovie comme d’autres capitales européennes (Helsinki, Rome, Luxembourg, Amsterdam, Stockholm) n’ont pas soutenu le texte — tandis que la Belgique, l’Estonie et la Slovénie ont préféré s’abstenir. Le vote de cette instance, qui rassemble tous les États membres, constituait l’ultime étape législative.

Il n’en demeure pas moins que l’annonce de l’un des principaux leaders de Droit et Justice d’une action devant la Cour de justice de l’Union européenne a eu lieu opportunément quelques jours avant les élections européennes — qui ont été remportées haut la main par Droit et Justice et par un autre parti conservateur, rapporte Le Monde. Ensemble, ils vont contrôler plus de 80 % des sièges de la Pologne.

L’annonce de Mateusz Morawiecki a-t-elle eu une influence sur le scrutin polonais ? Le cas échéant, dans quelles propositions ? Sans doute est-il trop tôt pour le dire, le vote ayant eu lieu très récemment. De nombreux autres facteurs, très éloignés de la question des enjeux de liberté numérique ont certainement pesé bien plus dans la balance, à commencer par la question des réfugiés.

Il n’en demeure pas moins que la position de Droit et Justice fait écho à ce que l’on a déjà pu voir en France avec le Front National et la loi Hadopi, lorsque Marine Le Pen avait elle aussi affiché sa préoccupation pour la liberté sur Internet. Certes, elle n’était pas la seule à l’époque à s’opposer au texte — des parlementaires socialistes et communistes s’étaient aussi distingués en tant qu’opposants.

Si elle ne date pas d’hier, cette appropriation des enjeux de liberté dans le numérique par des partis conservateurs ou nationalistes, alors qu’ils défendent des politiques restrictives dans bien d’autres domaines, est une source d’interrogation. Elle devrait aussi interpeller les autres partis. Qu’il s’agisse de convictions de façade ou non, elle risque de séduire un peu plus une jeunesse déjà sensible aux idées extrêmes.

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