C’est l’affaire dans l’affaire. Alors que l’Amérique est secouée par les révélations sur le juge Brett Kavanaugh, la présence d’un haut cadre de Facebook parmi les soutiens du magistrat fait couler beaucoup d’encre. Mais le passé des deux hommes a pesé.

C’est l’inconvénient lorsque l’on a le statut de personnage public. Toute apparition est susceptible de donner lieu à diverses interprétations selon l’endroit où l’on se trouve. Si l’on représente par ailleurs les intérêts d’une entreprise, alors c’est même l’image de son employeur que l’on risque d’engager. Surtout si l’évènement en question n’est pas raccord avec le discours public de la société.

Cette situation est typiquement en train de se produire aux États-Unis dans le cadre de « l’affaire Kavanaugh ». En effet, il est apparu pendant l’audition sénatoriale de Brett Kavanaugh qu’un visage connu se trouvait dans l’assistance : Joel Kaplan, le vice-président des politiques publiques mondiales chez Facebook, manifestement en soutien de l’intéressé, au cœur d’une tempête médiatique.

ZuckerbergCongrès

Mark Zuckerberg devant le congrès américain.

Source : Capture d'écran YouTube

De quoi parle-t-on ?

Rappel des faits.

À l’été 2018, Donald Trump reçoit quelques juges et consulte en vue d’une future nomination à la Cour suprême des États-Unis, afin de remplacer un départ. Son choix se porte sur Brett Kavanaugh et ce dernier se soumet, comme la procédure l’exige, à des auditions devant la commission judiciaire du Sénat. Or à la mi-septembre, le magazine américain The New Yorker lâche une bombe.

Brett Kavanaugh aurait agressé sexuellement une femme au début des années 1980, au cours d’une soirée. Les deux protagonistes étaient mineurs et lycéens au moment des faits. La femme, qui s’est d’abord exprimée sous couvert d’anonymat, a choisi en fin de compte de révéler qui elle est : Christine Blasey Ford. Dès lors, la nomination de ce juge conservateur est devenue incertaine.

Cour suprême

La Cour suprême.

Source : Visual Hunt

Décalage d’image

Or, pourquoi diable pouvait-on voir un très haut cadre du réseau social américain dans les soutiens de Brett Kavanaugh ? En effet, celui-ci fait l’objet de lourdes accusations sur son comportement à l’égard des femmes (plusieurs d’entre elles ont fait état d’incidents de même nature), et cette présence ne cadre pas du tout avec la politique que mène le site communautaire, et plus particulièrement Sheryl Sandberg.

Cette dernière est numéro 2 de Facebook, la responsable directe de Joel Kaplan, une figure de proue de la Silicon Valley et accessoirement l’une des  femmes les plus impliquées pour l’égalité homme-femme, notamment dans le secteur technologique. Elle est notoirement connue pour ses actions en faveur de la cause féminine. Elle a ainsi écrit un ouvrage sur le sujet.

Elle a fondé le groupe « Women in Economies and Government », afin « d’amener davantage de femmes à se spécialiser dans la gouvernance et l’économie », et a sa place dans des organisations qui luttent contre les violences commises contre les femmes. Dès lors, la présence de son employé dans une affaire d’agression sexuelle fait désordre, et cela même si Joel Kaplan ne se trouvait que dans l’assistance.

Une amitié

Il s’avère que l’équation comporte une variable de plus : comme le relève la journaliste Sheera Frenkel, les deux hommes sont de proches amis. Joel Kaplan a de toute évidence tenu à soutenir Brett Kavanaugh, qui bénéficie pour l’heure de la présomption d’innocence et dont les éventuelles suites judiciaires dépendront des règles américaines en matière de prescription, les faits étant anciens.

Les deux hommes se sont rencontrés pendant les années Bush. Comme l’explique le site TechCrunch, Joel Kaplan a été le conseiller politique lors de la campagne électorale de 2000, puis assistant politique du président, directeur adjoint du Bureau de la gestion et du budget et chef de cabinet adjoint. Quant à Brett Kavanaugh, il a travaillé au même moment dans cette administration, dans l’équipe juridique.

La présence de Joel Kaplan à l’audition de Brett Kavanaugh est donc strictement personnelle et n’engage en principe aucunement Facebook. Cela étant, il paraît bien improbable que l’intéressé, au regard de son parcours professionnel et de son expérience politique, ignore la portée de son apparition dans l’enceinte du Congrès. Surtout au regard de la position de son employeur et la nature de l’affaire.

Toujours est-il que selon la journaliste américaine, personne chez Facebook ne semblait savoir qu’il allait se rendre à l’audition. Et il semble que sa position dans l’enceinte (non loin du centre de la salle) n’ait pas beaucoup plu au sein du réseau social. Les explications de texte risquent d’être houleuses à Menlo Park, lors de la prochaine réunion des dirigeants de Facebook…


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