Un texte de loi en discussion en Suède entend durcir les sanctions maximales contre les personnes qui partagent illégalement des contenus protégés par le droit d’auteur. Les plafonds seraient aussi élevés que ceux prévus pour un homicide involontaire. Quid du droit français ?

En Suède, le partage de films et de musique en dehors des clous de l’offre légale — en clair, le fait de pirater des œuvres culturelles sur le net — risque de devenir très risqué pour l’internaute adepte du streaming, du téléchargement direct ou des échanges en P2P (avec le protocole BitTorrent, par exemple).

En effet, un texte de loi propose de durcir significativement les sanctions judiciaires à l’encontre de ceux ou celles qui font fi du droit d’auteur sur Internet.

C’est ce que rapporte Rick Falkvinge, un activiste et entrepreneur suédois surtout connu pour avoir fondé le tout premier parti pirate, en Suède, et en avoir fait une force politique crédible (le mouvement a su se faire une place dans le paysage politique local, participer aux élections et, cerise sur le gâteau, faire son entrée au Parlement européen), après en avoir jeté les fondations en 2006.

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CC Robin

Sur le site Private Internet Access, qu’il dirige, Rick Falkvinge explique que la loi vise à sanctionner le piratage d’une peine maximale de six ans de prison. « Un nouveau projet de loi a été déposé en Suède qui triple la peine d’emprisonnement maximale pour violation du monopole du droit d’auteur, comme l’utilisation de BitTorrent, jusqu’à un maximum de six ans d’emprisonnement », écrit-il.

Comparant cette peine (qui doit toutefois encore être votée par les parlementaires) avec d’autres dispositions figurant dans la loi suédoise, Rick Falkvinge fait remarquer que « la peine maximale pour violation du droit d’auteur devient aussi sévère que la peine maximale pour homicide involontaire, si ce nouveau projet de loi fou est adopté — ce qui pourrait très bien arriver ».

« La peine maximale pour violation du droit d’auteur devient aussi sévère que la peine maximale pour homicide involontaire »

« Bien sûr, il y a les mentions habituelles sur le fait que cela ne s’appliquera qu’aux ‘pires des contrevenants au monopole du droit d’auteur’. Nous avons déjà entendu cela par le passé ; après chaque projet de loi comme celui-ci, il s’avère que des adolescents ordinaires qui utilisent des torrents ordinaires font en effet partie ‘des pires’ car ils partagent en même temps qu’ils téléchargent, parce que c’est comme ça que BitTorrent est conçu », observe le fondateur du Parti pirate.

« Apparemment, 200 millions d’Américains et 300 millions d’Européens, soit plus d’une personne par ménage en moyenne, font partie des pires », ajoute Rick Falkvinge, citant le nombre de personnes qui partagent sur BitTorrent. Il faut toutefois dire que le fait de relever les plafonds d’une sanction pour un délit ne signifie pas mécaniquement que les juges chargés de rendre la justice auront la main plus lourde.

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Un partage par BitTorrent.

Source : nrkbeta

Et en France ?

Cela étant, l’éventuelle évolution du droit suédois en la matière incite à se pencher sur la situation en France. Dans l’Hexagone, il faut savoir que le fait de partager de la musique ou des films sur Internet, sans l’autorisation des ayants droit, est puni d’une peine maximale de 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende, comme toute autre contrefaçon. C’est l’article L335-2 du code de la propriété intellectuelle.

Dans les faits, les internautes sont très rarement confrontés à cet article (qui vise plutôt les personnes qui administrent des sites de téléchargement illicite ou celles qui vendent des biens manufacturés contrefaits). En effet, le « pirate du dimanche » fait surtout face aux dispositions de la loi Hadopi. Cependant, la loi n’interdit pas à un ayant droit de lancer des poursuites contre un internaute pour tenter de l’envoyer en prison.

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CC Statmanharris

Il s’avère qu’en France aussi, le droit pénal prévoit la même durée de trois ans de prison pour l’homicide involontaire, comme la peine prévue pour la mise à disposition d’œuvres protégées par le droit d’auteur, sans l’accord des titulaires de droits. Idem pour la menace de mort réitérée, le vol, l’abus de confiance, la pénétration dans un établissement scolaire avec une arme, le faux et usage de faux ou encore l’abus de faiblesse.

Certaines autres peines, qui peuvent apparaître plus graves que la contrefaçon, ont même des plafonds inférieurs : c’est le cas de Le harcèlement dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles, l’usurpation d’identité, la violation du secret professionnel, l’abandon de famille, la demande d’argent sous contrainte, la destruction d’un bien appartenant à autrui ou les les sévices graves et cruautés envers les animaux.

Ces exemples ne sont pas exhaustifs.

Il convient toutefois de répéter qu’il s’agit bien de plafonds et non pas de la peine appliquée automatiquement. Les juges sont évidemment amenés à faire preuve de discernement et, par ailleurs, les sanctions prévues en cas de contrefaçon visent aussi à couvrir le cas, par exemple, d’un individu a industrialisé la contrefaçon de biens manufacturés (Chanel, Louis Vuitton, etc), pour en faire commerce.


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