Il y a du favoritisme dans le gouvernement. Condamné en février 2004 pour blanchiement d’argent, Renaud Donnedieu de Vabres n’a pas bénéficié de l’amnistie présidentielle accordée il y a peu à son collègue Guy Drut. Il faut dire son sport préféré à lui, le freestyle législatif, n’est pas discipline olympique. Ca ne l’a toutefois pas empêché d’être nommé rue de Valois six semaines après sa condamnation, et d’avoir ensuite été confirmé dans ses fonctions par le gouvernement de Dominique de Villepin. C’est avec cette confiance de son nouveau chef qu’il a paufiné son texte du projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI). Villepin lui a même accordé de le faire passer en urgence. C’était encore à la mode avant que le CPE ne vienne calmer les ardeurs gouvernementales.
L’urgence doit permettre au ministère de faire voter son texte en une seule lecture par l’Assemblée Nationale puis par le Sénat. L’affaire étant résolue en catimini par la convocation de sept députés et sept sénateurs en Commission Mixte Paritaire. Quand les députés ont grondé, protesté, boudé, le ministre a tenu bon. Avec cette promesse tenue le jeudi 9 mars devant les représentants du peuple : « Ce qui est important, c’est que l’Assemblée Nationale puisse déliberer tranquillement. J’ai pris l’engagement devant vous, au nom du Gouvernement, que s’il y avait une divergence fondamentale entre l’Assemblée et le Sénat, nous ne convoquerions pas immédiatement la Commission Mixte Paritaire, mais qu’il y aurait une navette« .
Or après lecture au Sénat et modification du texte, nombreux sont ceux à dénoncer des divergences fondamentales, notamment sur les questions d’interopérabilité et de responsabilité de l’abonné et des éditeurs de logiciels. Outre les acteurs que l’on attendait en réclamation d’une seconde lecture, comme EUCD.info, APRIL, la ligue Odebi ou l’Alliance Public-Artistes, des personnalités se sont également exprimées pour demander au premier ministre de provoquer une seconde lecture du texte. Ce fut le cas la semaine dernière de Christian Paul, député socialiste qui demande à « ne pas voter à la hussarde une loi essentielle« . Plus tôt les députés UMP Carayon, Lambert et Suguenot ont également appelé leur ministre à respecter sa promesse, tout comme la députée Verts Martine Billard et d’autres membres de l’Assemblée. Et lundi c’est le professeur de droit Jérôme Huet, de l’Université Paris II Panthéon-Assas, qui a adressé à Dominique de Villepin ses observations. « Le texte voté au Sénat est radicalement différent, à bien des égards, de celui adopté à l’Assemblée Nationale« , décrit-il. Rappelant les mots de son ministre de la Culture, il souhaite »qu’en honorant cette promesse vous puissiez permettre à ce texte d’être adopté dans des conditions de sérénité et de débat démocratique souhaitables« .
L’adoption de DADVSI bloquée sine die ?
Selon les bruits qui avaient fuité très vite avant même l’adoption du texte au Sénat, la Commission Mixte Paritaire (CMP) devait être convoquée le 30 mai, c’est-à-dire aujourd’hui. Mais le gouvernement n’a pas officialisé son souhait de prolonger la procédure urgence, ce qui entretient le doute de la possibilité d’une seconde lecture à l’Assemblée Nationale.
Bertrand Lemaire, journaliste au Monde Informatique, indique avoir eu l’assurance du ministère de la culture que rien n’était encore prévu mais qu’une CMP serait convoquée. Une deuxième lecture à l’Assemblée Nationale ne semble pas nécessaire, « les éléments de différence entre les textes issus de l’Assemblée Nationale et du Sénat n’étant pas substanciellement différents« , lui a ainsi indiqué Marc Hérubel, conseiller technique au Ministère de la Culture. Le ministère ferait-il donc la sourde oreille face aux commentaires des spécialistes et des demandes des parlementaires ?
Après la crise du CPE, en pleine affaire Clearstream et alors que l’anniversaire de la victoire du Non au référendum rappelle que le texte de la loi DADVSI est issu d’une directive de Bruxelles, le gouvernement joue la prudence. « A l’heure actuelle, la procédure d’adoption de la DADVSI est donc bloquée« , commente Bertrand Lemaire, selon qui « le gouvernement hésite peut-être à rallumer la guerre avec les jeunes« .
Quand on sait que le refus de lever l’urgence était un ordre direct de M. De Villepin, pour ne pas faire signe aux jeunes que son gouvernement peut céder, l’idée que la même pression supposée des jeunes gèle l’adoption pure et simple du texte est des plus ironiques…
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