La Hadopi a publié mardi son étude sur "les Digital Natives", pour représenter la philosophie des internautes qui sont nés avec Internet, selon trois classes d'âges. Mais l'étude, qui paraît conclure que les plus jeunes sont favorables à la protection des droits d'auteur et sensibles à l'action de l'Hadopi, a été réalisée en interrogeant à peine une dizaine de jeunes par classes d'âges.

Depuis plus de 10 ans que nous écrivons quotidiennement sur Numerama, nous avons vu des exercices de communication ridicules, grotesques ou affligeants. Celui-ci remporte la palme.

La Hadopi a publié mardi son "une étude qualitative sur les "Digital Natives"", qui fait suite à une commande que nous avions pourtant saluée. Il nous semblait en effet important de voir comment ceux qui sont nés avec Internet regardent le droit d'auteur ; en particulier "lorsque vous êtes nés dans un environnement où le droit d'auteur est un droit à l'accès aux oeuvres régulé par des société privées (un "droit de lire"), ressentez-vous le même besoin de faire évoluer le droit d'auteur que lorsque vous êtes nés avec l'idée que le droit d'auteur était un droit à la diffusion des oeuvres (un "droit de partager")".

Les conclusions de l'étude sont arrivées, et elles affirment que si les 19-21 ans et dans une moindre mesure les 22-24 ans "ont des attitudes décomplexées à l’égard de leurs pratiques illicites et se montrent peu respectueux des droits d’auteur", en revanche, "les 15-18 ans se montrent globalement les plus concernés par ces droits, avec un regard plus responsable concernant leurs pratiques illicites".

"On peut y voir l'émergence d'une génération qui s'est initiée à Internet dans un contexte de plus forte valorisation du droit d'auteur et de la création, contrairement à ses proches aînés, qui ont eu l'occasion de connaître des pratiques peu encadrées. On peut s'attendre à une consommation plus responsable à l'avenir", écrit la Hadopi, qui vante ainsi les mérites de son existence. Si les plus jeunes affichent des promesses de respect des droits, c'est bien parce que l'Hadopi fait son travail.

8 à 10 jeunes interrogés pour représenter une classe d'âge

Il n'y a, dans le communiqué officiel, pas une seule réserve sur la représentativité de l'étude, et les conclusions sont écrites comme si elles reflétaient une réalité statistique. Tout juste est-il dit qu'il s'agit d'une "méthodologie qualitative" (ce qui ne veut pas dire de qualité…).

Or que voit-on en se penchant sur la méthodologie employée ? Que pour tirer ces conclusions sur les trois classes d'âges (15-18 ans / 19-21 ans / 22-24 ans), l'institut CSA que l'Hadopi a mandaté n'a constitué que deux groupes de "4 à 5 participants" par classe d'âge. Soit 8 à 10 individus pour représenter des centaines de milliers de jeunes.

Par ailleurs, rien n'est dit ni sur la manière dont ont été sélectionnés ces jeunes, et seule la confiance accordée au cabinet d'étude permet de dire que les propos sont rapportés avec fidélité. De plus, les jeunes ont été interrogés le un cadre formel d'une réunion collective de 3 heures, ce qui ne permet pas une expression des plus libérées s'agissant de pratiques illicites…

Certes, la page 8 de l'étude (.pdf) prévient que "cette démarche ne vise pas une représentativité statistique", mais il aurait fallu s'abstenir de commander ou de publier une étude dont la méthodologie est aussi grotesque. A tout le moins, il aurait fallu s'interdire de prétendre qu'il s'agit d'une étude sur "les Digital Natives", comme si un groupe parisien de moins d'une dizaine d'individus pouvait représenter toute une génération à l'échelle nationale…

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