Pour avoir contesté tardivement et à tort une ordonnance judiciaire qui l'intimait de livrer l'identité d'un abonné, Bouygues Télécom a été condamné à dédommager la société qui sollicitait sa collaboration.

Voici qui malheureusement ne devrait pas inciter les fournisseurs d'accès à internet à protéger les droits de leurs abonnés. Bien au contraire. Le site Legalis rapporte que Bouygues Télécom a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris, parce qu'il avait osé contester judiciairement une ordonnance de référé qui l'obligeait à communiquer l'identité d'un abonné à une société privée. 

En l'espèce, la société Publicis Webformance, qui gère les noms de domaine de ses clients, avait voulu réagir après que quatre noms de domaine enregistrés chez Gandi ont changé frauduleusement de propriétaire. La société avait saisi le 19 avril 2012 le concours de l'autorité judiciaire pour obtenir de Gandi qu'il communique l'adresse IP du fraudeur, puis le 15 mai 2012 pour obtenir de Bouygues Télécom qu'il livre l'identité de l'abonné masqué derrière cette adresse IP.

Mais Bouygues Télécom a refusé de se plier à l'ordre judiciaire, et a décidé tardivement, le 31 octobre 2012, de demander une rétractation de l'ordonnance de référé. Le FAI estimait en effet qu'il ne pouvait pas accéder à la demande d'identification dès lors que l'article L34-1 du code des postes et communications électroniques prévoit que les données doivent être conservées uniquement "pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales" ; alors que la procédure de référé était une procédure civile. Bouygues expliquait qu'il mettait en jeu sa propre responsabilité pénale s'il ne protégeait pas la vie privée de son abonné.

Dans son ordonnance, le tribunal de grande instance de Paris balaye l'argument de Bouygues Télécom, en rappelant les termes de l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), qui dispose que "l'autorité judiciaire peut requérir communication" des "données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires". Il fait ainsi une interprétation extensive de ce passage de la LCEN qui vise principalement les données listées par le décret LCEN sur la conservation des données par les hébergeurs, mais pas exclusivement. Les données de connexion des FAI font aussi partie des "données de toute nature" qui permettent d'identifier l'utilisateur d'un service en ligne, et peuvent donc être requises y compris dans le cadre d'une procédure civile.

En ayant voulu protéger les droits de son abonné, Bouygues Télécom se retrouve ainsi lui-même condamné à verser une provision de 3 000 euros à Publicis Webformance, en attendant l'évaluation définitive du préjudice subi, "à raison du refus abusif d’exécuter l’ordonnance ainsi que du caractère tardif de l’assignation". L'opérateur doit en plus verser 3 000 euros supplémentaires au titre des frais de justice.

Sans doute la décision aurait été plus clémente si Bouygues Télécom n'avait pas attendu près de 6 mois pour contester l'ordonnance.

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