La riposte graduée à l’américaine tire sa révérence. Après quatre ans d’activité, les membres du Center for Copyright Information (CCI) ont annoncé le 27 janvier dans un communiqué la fin du système d’alerte sur le copyright (Copyright Alert System) qui avait été mis en place pour mettre en garde les internautes téléchargeant illégalement des fichiers protégés par le droit d’auteur sur les réseaux pair-à-pair (P2P).
Loin d’y voir un échec, le CCI considère plutôt que « le programme a démontré que de réels progrès sont possibles lorsque les créateurs de contenus, les innovateurs de l’Internet et les défenseurs des consommateurs vont dans le même sens dans un processus collaboratif et axé sur le consensus ». Et d’ajouter que le Copyright Alert System (CAS) « est parvenu à éduquer beaucoup de gens au sujet de la disponibilité des contenus légaux ainsi que sur les questions liées au piratage ».
On peut évidemment s’étonner de l’interruption du CAS au regard de la manière dont le CCI a fait le bilan du dispositif. Si la riposte graduée fonctionnait si bien, permettait de sensibiliser les utilisateurs sur la contrefaçon en ligne tout en les ramenant dans le droit chemin, pourquoi l’arrêter maintenant ? En effet, le téléchargement illicite n’a pas encore disparu des pratiques de nombreux internautes américains, malgré l’émergence d’une offre légale désormais à la hauteur.
Pour avoir des éclaircissements, ce n’est pas en direction du CCI qu’il faut se tourner mais vers la Motion Picture Association of America (MPAA), une association professionnelle dont la mission est de défendre les intérêts des principaux studios de cinéma aux États-Unis. Cité par Variety, le conseiller juridique du lobby a expliqué dans un communiqué que le CAS ne parvenait tout simplement pas à dissuader les pirates les plus chevronnés.
Une riposte graduée inefficace contre les pirates chevronnés
« En fait, on estime à 981 millions le nombre de fois que des films et des séries télévisées ont été téléchargés aux États-Unis via le P2P l’an dernier », écrit Steven Fabrizio. Le CAS « n’était simplement pas adapté pour gérer le problème des pirates expérimentés ». Pour eux, c’est bien simple : ce n’est pas avec la riposte graduée qu’il faut agir mais avec les dispositions contenues dans la législation, en particulier le Digital Millennium Copyright Act, pour que les fournisseurs d’accès à Internet les sanctionnent.
Contrairement à la France qui a choisi d’organiser tout le dispositif autour d’une autorité publique indépendante, les États-Unis ont préféré passer exclusivement par le secteur privé. « les Américains verraient dans une intervention publique dans ce domaine la possibilité d’être espionnée par les pouvoirs publics », avait analysé la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) dans un compte-rendu consacré à son déplacement aux États-Unis.
Six avertissements aux États-Unis
L’absence de structure comme la Hadopi n’est pas la seule particularité de la riposte graduée à l’américaine. Outre l’absence d’implication d’une quelconque administration publique, la nature et l’échelle des avertissements ne sont pas les mêmes. D’abord, il n’a pas été question de couper la connexion pour punir les internautes les plus récalcitrants. Ensuite, il était question de six avertissements chacun plus solennel que le précédent avant de déclencher la phase contentieuse.
Les deux premières n’étaient que des alertes « éducatives, dans lesquelles sont rappelés les principes du droit d’auteur », tandis que les deux suivantes demandaient à l’internaute d’accuser bonne réception de l’avertissement. Ensuite, le CCI enclenchait des actions plus directes avec deux avertissements pouvant conduire à la baisse du débit de la connexion Internet ou bien à l’obligation de regarder une vidéo éducative de 10 minutes.
La mise en place d’un mécanisme proche de la Hadopi aux États-Unis avait fait suite à des réflexions engagées outre-Atlantique dès l’année 2008. Dans un rapport remis à l’ancien président Barack Obama, la MPAA avait remarqué et salué les dispositions anti-piratage prises en France, en particulier le volet de la riposte graduée. Le lobby du cinéma américain s’était alors montré favorable à des accords interprofessionnels imposés pour obtenir un résultat similaire aux USA.
Une politique que la Recording Industry Association of America (RIAA), l’équivalent de la MPAA pour l’industrie du disque, a également souhaité. Constatant que les milliers de procès contre les internautes téléchargeant illégalement des fichiers protégés par le droit d’auteur n’ont pas eu de véritable efficacité, le lobby de la musique a défendu dès 2008 la mise en place de la riposte graduée. À l’époque, la RIAA manifestait le désir de se passer du concours de l’administration américaine, préférant négocier directement avec les fournisseurs d’accès à Internet.
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