Une étude statistique montre un lien de cause à effet entre le déploiement de la fibre optique en Espagne et la santé mentale des adolescents. L’accès à la fibre augmenterait ainsi les dépressions, tentatives de suicide et troubles psychologiques. Encore une corrélation prise pour une causalité ? Ce n’est pas si évident.

Et si on vous disait que le déploiement des lignes de fibre optique augmentaient les problèmes de santé mentale, principalement chez les adolescentes ? La professeure d’économie à l’Université de Vienne Esther Arenas-Arroyo a publié une étude à ce propos ce 24 mai, avec Daniel Fernandez-Kranz et Natalia Nollenberger. Elle montre que l’accès à la fibre optique en Espagne (entre 2012 et 2019) augmente « les diagnostics de santé mentale dans les hôpitaux et contribue à une augmentation notable des taux de suicide chez les adolescents, en particulier chez les filles ».

Non, la fibre n’est pas directement responsable des suicides chez les adolescentes

Selon Esther Arenas-Arroyo, avoir accès à la fibre optique à son domicile en Espagne « entraîne une augmentation de 4,24 % de l’incidence des cas de santé mentale [troubles de santé mentale et du comportement diagnostiqués dans un hôpital] chez les adolescents, de 13,48 % dans les cas des automutilations et des tentatives de suicide. » Passer d’une couverture nulle à une couverture complète entraîne une hausse de 10,86 % des diagnostics et même de 34,50 % pour les cas d’automutilation et de tentatives de suicides.

On constate une nette augmentation de la prévalence des troubles de santé mentale et du comportement // Source : « High Speed Internet and the Widening Gender Gap in Adolescent Mental Health: Evidence from Spanish Hospital Records » via ScienceDirect
On constate une nette augmentation de la prévalence des troubles de santé mentale et du comportement // Source : « High Speed Internet and the Widening Gender Gap in Adolescent Mental Health: Evidence from Spanish Hospital Records » via ScienceDirect

Elle explique que la pénétration de la fibre optique dans les foyers modifie le comportement des adolescents. Ils passent plus de temps devant les écrans et se détournent de certaines activités : sommeil, socialisation, études. Ils deviennent aussi de plus en plus dépendants à l’engagement en ligne, souffrent d’une plus grande détresse émotionnelle. Les adolescentes sont les plus touchées, elles « qui sont plus vulnérables aux comparaisons sociales, à la cyberintimidation et à l’impact émotionnel des interactions numériques. »

Les autres problèmes liés à l’accès à Internet de manière illimitée

Bien sûr, la fibre optique est loin d’être la seule responsable : c’est globalement l’accès à Internet de manière rapide (avec un haut débit) et illimitée qui est la source de cette dégradation. On peut supposer que dans les régions où la connexion Internet (filaire ou via un réseau mobile) est mauvaise, cela décourage l’usage des réseaux sociaux et autres. Même si la 5G est présente, il faut avoir un forfait mobile avec suffisamment de data incluse. C’est sans doute pourquoi la chercheuse s’est penchée sur le cas de la fibre optique.

Les suicides chez les adolescents sont en hausse en Espagne depuis 2010 // Source : « High Speed Internet and the Widening Gender Gap in Adolescent Mental Health: Evidence from Spanish Hospital Records » via ScienceDirect
Les suicides chez les adolescents sont en hausse en Espagne depuis 2010 // Source : URL

Outre les cas de suicide ou d’automutilation, l’accès à la fibre optique « a réduit le temps de sommeil des filles de 10,7%, le temps consacré aux devoirs de 15,6% (8,4% pour les garçons) et le temps consacré à la vie sociale de 22,7%. » Des ordres de grandeur « approximatifs », précise l’économiste.

Un adolescent sur son smartphone. // Source : Canva
Un adolescent sur son smartphone. // Source : Canva

Au fond, Esther Arenas-Arroyo n’est pas anti-fibre : cela ne fait même pas partie de ses recommandations conclusives. Elle souhaite en revanche davantage de recherches sur les risques du numérique sur la santé mentale des plus jeunes. Elle souligne aussi la nécessité de mettre en place des politiques ciblées pour en atténuer les effets : « une exposition non réglementée peut avoir des coûts psychologiques involontaires. »

En France, une commission « écrans » avait rendu un rapport l’année dernière en formulant tout un tas de propositions de loi. Le tout pour protéger les plus jeunes des impacts négatifs du numérique et des réseaux sociaux. Suite à ça, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal propose d’instaurer un couvre-feu numérique sur les réseaux sociaux pour les adolescents. La ministre de l’Éducation Elisabeth Borne propose quant à elle de fermer Pronote la nuit.

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