Quelques jours après le drame norvégien, l’office en charge de la lutte contre la cybercriminalité a « dévoilé » quelques chiffres sur le nombre de signalements recensés en 2010. Une publication qui surprend par son timing, puisque le bilan de l’an passé était déjà connu depuis plusieurs mois.

La tuerie qui s’est déroulée vendredi dernier en Norvège, causant la mort de 76 personnes (68 dans une fusillade sur l’île d’Utoya et 8 dans une explosion à Oslo), va nécessairement conduire les forces de police et de renseignement à l’introspection. Pouvaient-elles prévoir un tel drame ? La disponibilité sur le net de son manifeste, où le tueur présente sa pensée politique et décrit son mode opératoire, sera sans nul doute au cœur de cette réflexion.

À l’heure où le populisme gagne l’Europe entière, la question se pose également, par ricochet, en France. Comment les services de police suivent-ils les mouvances extrémistes sur Internet ? Comment les données sont-elles collectées ? En plus de la mobilisation d’une centaine d’agents de la DCRI, chargés de suivre quelques centaines d’individus, les autorités incitent les internautes à signaler les propos racistes et xénophobes publiés en ligne.

En France, 10 % des signalements sont des propos racistes

Face à ces interrogations, l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) a communiqué à l’AFP quelques chiffres sur son activité pour l’année 2010. Des chiffres qui sont pourtant connus depuis quelques mois, puisque 77 646 notifications ont été comptabilisées par la plate-forme dédiées, Internet-Signalement.

« En 2010, nous avons reçu près de 8 000 signalements sur notre plate-forme de signalement des contenus illicites de l’Internet, Internet-Signalement.gouv.fr, accessible à toute personne. Si la majorité d’entre eux (57 %) concernent des escroqueries […], 10 % de ces signalements rapportent des contenus racistes et / ou xénophobes, alors qu’ils représentaient 4 % de l’ensemble en 2009 » explique Adeline Champagnat, en charge de l’OCLCTIC.

Au-delà de la progression notable du nombre de signalements remontés à la police, passant de 4 à 10 % en l’espace d’un an, la diffusion de ces chiffres interpelle dans la mesure où ils sont disponibles depuis quelques temps. Cette communication tombe en tout cas à pic, puisqu’elle met en avant l’action des autorités françaises face à la propagation d’idéologies extrêmes sur le net.

Des signalements en hausse du côté des FAI

La plate-forme Internet-Signalement n’est pas la seule à recevoir des notifications. En début d’année, l’Association des fournisseurs d’accès et de services Internet (AFA) nous avait transmis le bilan 2010 de sa plate-forme Point de Contact. Celle-ci permet aux internautes de signaler les contenus illicites les plus graves (racisme, pédopornographie, haine raciale…) qu’ils croisent sur Internet.

Les chiffres étaient les suivants :

  • Racisme et xénophobie : 2 309 contenus signalés (+85 %), 352 retenus (- 4%) ;
  • Promotion de la violence : 803 contenus signalés (+173 %), 67 retenus (- 2%) ;
  • Terrorisme : 70 contenus signalés, 5 retenus (- 17%).

Il y a « une sensibilisation accrue des internautes à ces sujets, sans que la diffusion de ces contenus ne soit nécessairement plus importante dans la pratique. Nombre de messages sont envoyés par des justiciers du web, en général réagissant de façon épidermique à un thème bien précis » avait expliqué l’AFA. « L’appréciation d’un même contenu peut varier du tout au tout en fonction de la sensibilité des internautes« .

Internet, terreau de l’agressivité verbale ?

Reste à déterminer le rôle d’Internet dans la « réflexion » d’Anders Behring Breivik, le principal suspect. A-t-il été un moteur pour le tueur, un vecteur idéologique ? Pour le directeur de la publication du Nouvel Observateur, la question se pose. « Non que le réseau soit responsable de quoi que ce soit. L’accuser serait aussi ridicule que d’incriminer le téléphone parce que deux terroristes se sont appelés sur leur mobile. Mais la Toile est un moyen de diffusion moins contrôlé dont le coût est à peu près nul ».

« En France, trois sites se sont fait une spécialité de l’idéologie anti-musulmane contemporaine. Point de terroristes, évidemment, chez ces gens-là. Mais une agressivité verbale telle qu’elle finit par distiller une sémantique de guerre civile. […] La Toile recèle des forums de ce genre dans tout le continent. Sous l’apparence du défoulement verbal, c’est une école de la haine qui s’est ouverte à l’échelle européenne. Une école dont Anders Behring Breivik était l’élève assidu« .


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