La Commission de protection des droits de l’Hadopi estime que trois constats de téléchargements illégaux réalisés depuis l’accès à Internet d’un même abonné valent preuve que l’abonné n’a pas sécurisé son accès à Internet. Elle défend l’automatisation de la phase d’avertissement, mais prévient que le volume sera moindre si les internautes sont nombreux à demander des explications.

La Présidente de la Commission de protection des droits (CPD) de l’Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, a répondu aux questions de Légipresse dans une longue interview reproduite sur le site internet de la Haute Autorité. La responsable du bras armé de l’Hadopi y défend une vision très particulière de la justice.

Comme beaucoup, Legipresse s’interroge sur la fiabilité des preuves qui permettent d’établir qu’un abonné à Internet n’a pas sécurisé son accès à Internet, malgré les recommandations qui lui ont été adressées. Ce qui selon la loi est constitutif de « négligence caractérisée« .

Sur ce point, la magistrate répond que « la contravention de négligence caractérisée est une infraction de commission par omission« , qu’elle « se constate et ne se prouve pas« .

« On ne vous demande donc pas de prouver un fait négatif, on constate que vous n’avez pas fait quelque chose qui aurait empêché la réalisation du téléchargement« , explique-t-elle. « Il n’y a pas de lien entre la contravention de négligence caractérisée et l’installation d’un moyen de sécurisation labellisé. Si l’abonné n’a pas changé de comportement au bout de trois fois, il n’a donc pas mis en œuvre de moyen de sécurisation (…) ce sont les conséquences de vos actes qui prouvent l’infraction« .

Ca n’est pas matériellement prouvé, c’est simplement présumé, et de manière irréfragable. C’est-à-dire que l’abonné aura toutes les peines du monde à démontrer qu’il avait pourtant bien sécurisé son accès de bonne foi, mais Mme Imbert-Quaretta ne veut pas le savoir. Elle incite les abonnés qui se sentiraient injustement avertis à déposer plainte. « Une éventuelle plainte déposée en raison d’un piratage de son accès à internet fait partie des comportements qu’on appréciera (pour ne pas transmettre au parquet, ndlr), mais si le téléchargement illégal est constaté trois fois en un an et demi, c’est bizarre« , dit-elle. Une affaire de statistiques.

C’est donc le téléchargement répété, c’est-à-dire le constat d’une récidive de contrefaçons réalisées avec l’adresse IP de l’abonné, qui vaut présomption de culpabilité de la négligence caractérisée. Dans ses cahiers (.pdf), le Conseil constitutionnel avait pourtant prévenu que « c’est notamment sur la question de la définition du lien entre, d’une part, le constat de ce qu’un accès à internet est utilisé à des fins attentatoires aux droits d’auteurs et, d’autre part, l’engagement de la responsabilité pénale du titulaire du contrat d’abonnement (lien plus ou moins automatique selon la rédaction qui sera retenue par le projet de décret), que se concentre la question du respect ou de la méconnaissance de la présomption d’innocence« . Or dans l’esprit de l’Hadopi, le lien est très, très étroit.

Il est aussi toujours « amusant » de voir Mme Imbert-Quaretta se défendre de toute violation du code de procédure pénale, en prétendant que « contrairement à ce qui existe pour toutes les autres autorités, la loi prévoit que la CPD n’est pas obligée de saisir le parquet des faits qu’elle constate« , alors que ça n’est vrai que de la négligence caractérisée, pas des délits de contrefaçon dont elle a connaissance pour établir après plusieurs récidives qu’il y a négligence.

Moins il y aura de demandes d’explications, plus il y a aura d’automatisation

Par ailleurs, la magistrate a concédé que seuls les réseaux P2P étaient concernés par les constats d’infraction, à la fois pour des raisons juridiques et pour des raisons techniques. « Les ayants droit sont en train de réfléchir à une évolution possible de leurs constatations s’il y a passage significatif d’un système à l’autre« , dit-elle. Mais « le problème posé par le streaming est celui du constat, de telle façon qu’il soit incontestable« . Techniquement, pour relever les adresses IP sur les services de streaming, il faudrait installer des mouchards sur les routeurs des FAI, ou directement auprès des hébergeurs des services de streaming. Ce qui est bien sûr hautement improbable. Le P2P, en revanche, est un réseau public où les adresses IP circulent à la vue de tous, ce qui permet leur relevé.

La présidente de la CDP a par ailleurs laissé plané le doute sur le nombre d’avertissements à attendre, mais expliqué que moins il y aurait de demandes d’explication de la part des abonnés, plus elle se sentira libre d’augmenter les volumes. « Si pour chaque recommandation envoyée, on a une demande, soit d’envoi du contenu des œuvres téléchargées, soit d’observation, cela aura forcément des conséquences sur le volume des recommandations qui suivront« , concède Mme Imbert-Quaretta, qui indique qu’actuellement il y a « peu de retours » sur les quelques « milliers » d’e-mails envoyés. « Ce sont de trop petits chiffres pour être représentatifs. ll nous faudra à peu près deux mois pour avoir un pourcentage fiâ
able
« , précise-t-elle.

Si au départ tous les e-mails ont été validés manuellement, notamment pour écarter les nombreuses saisines d’ayants droit qui ne justifiaient pas disposer des droits sur les œuvres piratées, la décision d’automatiser le processus d’avertissement a été prise. « On fixe des critères en pourcentage, entre la musique, le cinéma, le nombre d’œuvres, qu’on peut faire varier. Il n’est pas exclu à terme qu’on traite l’intégralité des saisines« , annonce-t-elle. Au maximum, les cinq organisations ayant reçu l’agrément de la CNIL (SACEM, SDRM, ALPA, SCPP, SPPF, CNC) peuvent envoyer collectivement 125 000 adresses IP par jour.

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