Frenchie Shore est la nouvelle émission de téléréalité qui mise sur le sexe et la vulgarité pour exister et capter des parts de marché. Le programme est diffusé à la fois à la télévision (MTV) et sur le net (Paramount+). De quoi faire lever quelques sourcils à l’Arcom, le régulateur audiovisuel ?

« Je te trouve mignon… mais j’aime pas trop embrasser ». « Tu préfères sucer ? ». Telle est la réplique initiale qui ouvre le tout premier épisode de Frenchie Shore, un nouveau programme de téléréalité sur la chaîne de télévision MTV ainsi que sur la plateforme en ligne Paramount+. Un échange qui donne le ton, donc, et qui est à l’image de tout le reste de l’émission.

Comme le relate Le Parisien dans un article du 14 novembre, Frenchie Shore file dans une direction claire : le trash. Si le programme ne se présente pas ainsi, préférant parler d’une « émission sans censure », comme on peut le lire dans la description de la bande-annonce sur YouTube, les protagonistes (dix jeunes gens) sont bien plus explicites. Comme les images.

Au vocabulaire cru et direct se mêlent des plans sexuellement suggestifs. Avec, malgré tout, des limites. Malgré la promesse d’un contenu sans censure, tout n’est pas montré. Les organes génitaux sont floutés, même si assez grossièrement (l’épisode 2 le montre bien). Et une scène de fellation filmée serait à peine « atténuée » par l’insertion d’un smiley sur l’acte, rapportent nos confrères du Parisien.

L’Arcom au centre du jeu

Cette propension à plonger visiblement plus loin que d’autres téléréalités pose, de façon inévitable, la question de la modération et la régulation de Frenchie Shore. En la matière, puisqu’il s’agit d’un contenu audiovisuel, et qu’il est diffusé en France, l’Arcom est concernée au premier chef. C’est l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

L’Arcom est le résultat de la fusion entre deux précédentes instances : le Conseil Supérieur de l’audiovisuel (CSA) d’une part et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) d’autre part. En place depuis le 1er janvier 2022, elle a récupéré les attributions de ses deux prédécesseures, tout en gagnant de nouvelles compétences.

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Le nouveau « shérif » de la TV. // Source : Arcom

Comme le pointe une fiche de présentation, l’Arcom est en charge des services de TV et des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Derrière cet acronyme, on trouve la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande (à l’acte ou par abonnement). La description du SMAD correspond à ce qu’est Paramount+. De fait, le périmètre d’action de l’Arcom s’étend à lui et à MTV.

Le floutage des parties sexuelles des candidats et de certains actes pouvant advenir devant la caméra n’est pas la seule disposition prise par la production que l’on peut voir. Dans le cas de MTV, la diffusion est tardive, à 23 heures. Une mesure toutefois insuffisante, si le programme peut être vu en replay sur MTV ou regardé directement sur Paramount+. Aucune contrainte d’horaire n’existe ici.

Il y a aussi un avertissement « Ce programme déconseillé au moins de 16 ans » sur MTV (mais seulement 12 ans sur Paramount+). Il y a également un encart sur fond noir qui apparaît, avec la mention suivante : « Ce programme contient un langage, des scènes et des références sexuelles qui peuvent choquer les jeunes téléspectateurs. »

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L’avertissement au lancement du programme. // Source : Capture d’écran

Suffisant pour que l’Arcom ne trouve rien à y redire ? Cela reste à voir : les missions de l’autorité incluent la supervision des moyens mis en œuvre par les plateformes en ligne pour protéger les publics, « tout en garantissant la liberté d’expression », mais aussi la protection de tous les publics sur les médias audiovisuels et en ligne.

Selon nos confrères, aucune saisine de l’Arcom à propos de Frenchie Shore n’est à signaler. Cependant, l’autorité a la faculté de s’autosaisir, notamment si la signalétique d’un programme pourrait être inappropriée. Un dossier d’instruction peut alors être monté, mais l’instance a pour règle de n’intervenir qu’après la diffusion, avec une procédure qui peut durer.

Un problème de stéréotype et de préjugés sexistes ?

Contactée par Numerama pour obtenir des précisions sur le cadre qui pourrait s’appliquer, le cas échéant, à Frenchie Shore, l’Arcom n’a pour l’heure pas réagi à nos sollicitations. On peut toutefois présumer que si des téléspectateurs ou des téléspectatrices désirent alerter l’Arcom (il existe une procédure à suivre), cela pourrait être en raison de la représentation des femmes.

L’Arcom poursuit certains objectifs de cohésion sociale en la matière. Cela inclut la lutte contre les discriminations de toutes natures, les droits des femmes ou bien la représentation de la diversité de la société française. Plus spécifiquement, sur les enjeux d’égalité entre les hommes et les femmes, l’Arcom rappelle certains points de vigilance particuliers.

« L’Arcom veille à une juste représentation des femmes et des hommes à la télévision et à la radio, ainsi qu’à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, en luttant notamment contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple », est-il ainsi expliqué.

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Deux épisodes sont disponibles, en date du 15 novembre. // Source : Frenchie Shore

Rien ne dit que Frenchie Shore, malgré sa ligne très explicite, franchisse forcément les lignes rouges qui déclencheraient une intervention de l’Arcom. D’autant que les producteurs peuvent toujours arguer des avertissements qui apparaissent au début de chaque épisode, afin de faire comprendre au public la nature du programme qu’il s’apprête à voir.

Si des excès manifestes sont néanmoins constatés, l’Arcom a des leviers pour agir et procéder à des sanctions. Après une saisine, et s’il y a matière pour aller plus loin, l’Arcom a en main une palette d’options graduées. Cela démarre par une lettre de rappel à la réglementation, suivie le cas échéant d’une lettre de mise en garde et, ensuite, d’une mise en demeure.

Ces étapes sont un préalable nécessaire avant de passer à la coercition. Selon la gravité du manquement, la réponse de l’Arcom varie : amende, suspension de la publicité, interruption de tout ou partie du programme ou même action au niveau de la chaîne ou de la plateforme elle-même. Ces mesures ne sont à envisager que suite à une procédure encadrée et spécifique.

Toutes ces pistes sont aujourd’hui hautement hypothétiques, en l’absence d’une action de l’Arcom sur cette émission de téléréalité. En attendant, deux épisodes de Frenchie Shore sont disponibles au visionnage. Au total, dix épisodes doivent composer la première saison. Et on parle déjà de donner une suite, si les audiences suivent. Et, en creux, que l’Arcom n’ait pas la sanction facile.

Source : Montage Numerama

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