Parce qu’il n’a pas été prouvé que des téléchargements illégaux ont bien eu lieu grâce à lui, l’auteur d’un site de liens P2P a été relaxé le mois dernier par le tribunal de grande instance d’Evry.

Les ayants droit devront muscler leurs dossiers avant d’attaquer des sites pirates. Mettre en ligne des liens eDonkey ou BitTorrent permettant de télécharger des fichiers contrefaits n’est pas une activité illégale en soi. C’est en tout cas l’avis du tribunal de grande instance d’Evry, qui dans un jugement du 19 janvier 2010 que nous nous sommes procurés relaxe le créateur d’un site de liens P2P.

Etudiant en informatique au moment des faits, le prévenu avait créé en février 2006 le site See-link.net, qui proposait des liens permettant de télécharger différents types de fichiers sur les réseaux P2P. Dans leur mission de veille, les gendarmes spécialisés de Rosny sous Bois ont découvert l’existence du site et recensé des liens vers 2765 films, 308 séries TV, et 694 jeux. Le jeune homme a avoué avoir gagné près de 1000 euros en bannières publicitaires, grâce à environ 2000 visiteurs par jour au moment de la fermeture du site, en décembre 2006.

Alerté, le ministère public a décidé de poursuivre l’auteur du site en contrefaçon. La Sacem, le SELL, la Fédération Nationale des Distributeurs de Films, la SCPP, et plusieurs studios de cinéma (20th Century Fox, Columbia, Disney, Paramount, Warner et Universal) s’étaient portées parties civiles.

Mais le juge d’Evry n’a pas suivi leurs prétentions, et débouté l’ensemble des plaignants. « Le dossier de la procédure ne comporte pas la preuve d’un seul téléchargement illégal« , constate le tribunal. Impossible de démontrer une éventuelle complicité de contrefaçon s’il n’y a pas eu de contrefaçon, donc de téléchargement illégal. Pour le tribunal, le simple fait de publier des liens permettant de télécharger des fichiers contrefaits n’est pas suffisant pour condamner l’auteur du site.

Lors du procès, les plaignants avaient exposé qu’en raison du nombre de visites, des téléchargements avaient dû avoir lieu. Mais « admettre que les délits de contrefaçons ont été constitués sur le fondement d’une approche statistique non vérifiable constituerait tant une violation (…) de la convention européenne des droits de l’homme, qu’une violation de l’article préliminaire du code de procédure pénale« .

« Ce raisonnement aboutirait à nier la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable en présumant la culpabilité sans preuve objective et en empêchant le prévenu de connaître précisément les faits qui lui sont reprochés« , tacle le tribunal.

Le parquet et toutes les parties civiles ont décidé d’interjeter appel de la décision, à l’exception du SELL qui représente les éditeurs de jeux vidéo.


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