Alors qu’il avait donné son soutien en commission, le gouvernement a décidé mercredi de ne pas se prononcer sur la nécessité de recourir au juge dans les cas de blocage des sites pédoporgraphiques imposés aux FAI par l’administration. Une reculade due à la division de la majorité, dont une partie souhaite que l’efficacité prime sur l’équité.

Le gouvernement a décidé de botter en touche sur l’un des points de la Loppsi qui soulève le plus de polémique. En commission des lois, Brice Hortefeux avait soutenu l’amendement de Lionel Tardy (UMP) imposant un recours préalable au juge avant toute mesure de blocage de sites pédopornographiques que pourrait demander l’administration aux FAI. Il prenait acte ainsi de la volonté des sages du Conseil constitutionnel, qui avaient imposé lors de l’examen de la loi Hadopi qu’aucune mesure attentatoire à la liberté de communication ne soit prise sans le contrôle de l’autorité judiciaire. Mais mercredi soir, devant la division de la majorité, le ministre de l’intérieur s’est défaussé.

Lors de la discussion générale, le député et ancien locataire de la place Beauveau François Baroin a demandé au gouvernement de revenir sur la première version du texte, qui permettait à l’administration de fournir directement aux FAI la liste des sites à bloquer, sans contrôle de l’autorité judiciaire. Ce pourrait être fait par l’adoption de l’amendement 8 réctifié déposé par Chantal Brunel (UMP), qui étend au passage les cas de filtrage aux « messages violents ou pornographiques ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, incluant les actes de torture et de barbarie« . Dans ses motifs, la députée explique que « n’importe quel internaute peut être la source du contenu en ligne », ce qui « est un immense progrès, mais est aussi à l’origine de l’apparition d’un porno  » amateur  » aux contenus particulièrement violents« , auquel il faut bloquer l’accès sans recours au juge.

En réponse, Brice Hortefeux s’est dit « réservé » lui aussi « à l’encontre de l’intervention de l’autorité judiciaire pour les contenus pédopornographiques« . « Ce qui doit dominer, a-t-il ajouté, c’est l’efficacité opérationnelle« . Le ministre a paru partager l’argumentation très curieuse (c’est un euphémisme) de François Baroin, qui expliquait sans rougir qu’il était logique de ne pas passer par un juge en matière de crimes tels que la pédopornographie, alors que c’était normal pour des délits mineurs comme le piratage. On s’en gratte encore la tête.

Au final, le ministre de l’intérieur a fait savoir qu’il s’en remettra « à la sagesse » des députés, c’est-à-dire qu’il ne donnera pas le moment venu de consigne de vote aux parlementaires sur le recours ou non au juge avant toute ordonnance de filtrage.

Pourtant quelques minutes plus tôt, Brice Hortefeux avait paru défendre la place du juge dans le dispositif en assurant que le blocage des sites serait « demandé par l’administration sous le contrôle du juge« . Le ministre de l’intérieur a précisé qu’il fallait « naturellement éviter le sur-blocage« , qu’il ne fallait « pas mettre en cause la neutralité du réseau« , et que les modalités techniques du blocage seraient définies par décret. Avec le double objectif a priori inconciliable d’être à la fois « le moins coûteux possible« , et néanmoins efficace.

On peut d’ailleurs sourire de ce désir affiché d’efficacité lorsque le ministre reconnaît lui-même que la plupart des sites concernés sont hébergés à l’étranger, et sont « très mobiles« . Le temps qu’une adresse à bloquer soit communiquée au FAI, une nouvelle adresse est déjà utilisée par les pédophiles. Qu’il y ait ou non recours au juge, cette réalité ne changera pas. En revanche, le juge devrait éviter que des sites qui ne devraient pas être bloqués le soient.

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