Pour vendre son projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), le gouvernement a élaboré un argumentaire sommaire. Plutôt que de parler de « surveillance » ou de « contrôle » accrus, des termes qui éveillent la crainte chez les concitoyens, le gouvernement préfère parler de « protection ». Un tour de passe-passe lexical et la vidéosurveillance étendue par le projet de loi est ainsi rebaptisée « vidéoprotection », tandis que le filtrage ne vise pas à bloquer l’accès à des sites Internet, mais à « protéger les internautes contre l’accès fortuit » à des sites hautement indésirables.
Reste à démontrer que l’accès fortuit aux sites pédopornographiques visés par la loi Loppsi existe bien, à un niveau tel qu’il mérite des mesures aussi lourdes que dangereuses. Dans notre expérience d’internaute lambda, jamais en une dizaine d’années nous ne sommes tombés sur des sites à caractère pédophile. Et nous ne connaissons personne autour de nous qui a déjà accédé par erreur à des sites pédopornographiques. Pourtant, Brice Hortefeux a fait un calcul simple pour démonter l’étendue du danger lors de la discussion générale du projet de loi, mardi après-midi.
Le ministre a indiqué que la plateforme de signalement du gouvernement avait reçu 10.900 signalements de contenus pédopornographiques. Et donc, « 10.900 internautes ont visionné involontairement de telles images« , en a-t-il déduit, en insistant sur le terme « involontairement« . Une amphase essentielle dans la dialectique du gouvernement, déjà avancée par Michèle Alliot-Marie. Mais il est faux de prétendre qu’un signalement équivaut à un internaute qui visionne par erreur un contenu pédopornographique.
Combien de contenus ont été signalés par erreur comme étant pédopornographiques ? Brice Hortefeux n’en dit rien. L’Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet (AFA) qui publiait la semaine dernière les chiffres de sa propre plateforme de signalement montrait que le nombre de contenus signalés « présentant un contenu pornographique accessible aux mineurs potentiellement illégaux » avait baissé, alors que le nombre de signalement avait au contraire augmenté. Sur 4573 sites signalés à l’AFA comme pédo-pornographiques par les internautes en 2009, 987 avaient selon l’association un caractère « potentiellement illégal« . Ce qui ne veut pas dire que les 987 sites restants étaient pédopornographies, mais simplement qu’il était sûr que les 3786 autres étaient des signalements erronés.
Rappelons qu’au premier semestre 2009, sur 26 222 signalements de tous types reçus par le gouvernement, 3 500 seulement ont fait ensuite l’objet d’une fiche de délit, et 762 l’objet d’une enquête.
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