Le député Éric Bothorel saisit la Cnil au sujet du comportement de ChatGPT concernant les données personnelles. Il souhaite non pas empêcher absolument le chatbot de les traiter, mais de l’obliger à les corriger si elles se révèlent fausses. Numerama l’a interrogé.

Aux deux plaintes menées par des particuliers à l’encontre de ChatGPT s’ajoute désormais une troisième action : celle d’Éric Bothorel, député des Côtes-d’Armor. L’élu annonce avoir saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Son grief ? L’outil d’intelligence artificielle conçu par l’entreprise américaine OpenAI « semble être en infraction avec le RGPD. »

Comme d’autres avant lui, le parlementaire a partagé sur Twitter sa surprise de voir le système d’IA raconter n’importe quoi à son sujet. Cela, alors même qu’il existe assez de sources fiables en ligne pour, normalement, dresser un portrait correct le concernant. Divers essais avec la plateforme ont généré des erreurs récurrentes, qui changeaient à chaque fois.

« Je ne vise absolument pas l’interdiction de ChatGPT avec cette plainte »

Éric Bothorel à Numerama

Pour l’élu membre de Renaissance (ex-LREM), sa démarche ne vise en aucune façon à aboutir à une situation à l’italienne. De l’autre côté des Alpes, la Cnil italienne a rendu une décision remarquée qui a eu pour effet de pousser OpenAI à bloquer son service à toutes les connexions depuis l’Italie. Résultat, les internautes ont de toute évidence basculé sur des VPN.

Éric Bothorel
Éric Bothorel // Source : Jean-Luc Hauser

« Je ne vise absolument pas l’interdiction de ChatGPT avec cette plainte », a indiqué Éric Bothorel à Numerama. Ce chatbot « peut être un formidable outil, il peut améliorer le travail, simplifier les décisions ou faire gagner en efficacité », souligne-t-il. Pas question d’adopter une posture radicale appelant à un bannissement de l’outil. « Ce n’est absolument pas ma façon de voir les choses. »

Ce qui est recherché avec cette saisine, en revanche, c’est de mettre en adéquation ChatGPT avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD). C’est en effet ce texte qui fournit le cadre pour l’usage des données personnelles au sein de l’Union européenne. Or, pointe le député, le RGPD a une exigence d’exactitude dans les données traitées.

Ainsi, celles-ci doivent être exactes, et par ailleurs être tenues à jour, si nécessaire. Et, en cas d’inexactitude, alors « toutes les mesures raisonnables doivent être prises » pour les rectifier ou les effacer sans tarder. Or, les plaintes auparavant déposées contre OpenAI auprès de la Cnil dénoncent justement un manque de diligence de la part de la société pour redresser la barre.

Une saisine pour clarifier le droit face à ChatGPT

En somme, cette affaire « est un crash test sur l’état du droit », observe l’élu. « Première hypothèse : il n’y a rien à dire, et ChatGPT n’a rien à changer. Dans ce cas, c’est au législateur de faire évoluer les textes. Deuxième option, il y a une infraction, que l’on peut qualifier. » Dès lors, la Cnil a des leviers pour contraindre OpenAI à se montrer plus sourcilleux sur les données.

« Ce que j’attends de la Cnil, c’est qu’elle dise la vérité » poursuit le parlementaire auprès de Numerama. Cela évitera des batailles rangées de juristes sur les réseaux sociaux, où chacun y va de son analyse. « Ce que j’attends, c’est que la jurisprudence ne se fasse pas sur Twitter », glisse-t-il d’ailleurs à ce sujet, avec des tentatives d’exégèse de la situation italienne.

Il espère que sa saisine « donnera de la matière à la Cnil de s’intéresser au sujet », en accompagnant les deux autres actions lancées auprès de l’autorité française de protection des données. « Ça sera très éclairant quant à l’efficacité du dispositif juridique, quel que soit l’outil en cause. » C’est ici une manière d’être dans son rôle d’évaluation des politiques publiques.

ChatGPT
ChatGPT fascine autant qu’il inquiète, car ses résultats sont à la fois très bons et complètement à côté de la plaque. // Source : Focal Foto

Quant à la question de savoir si OpenAI devrait, in fine, déployer un filtre qui empêcherait de traiter toute requête dès qu’elle concerne un individu, Éric Bothorel est plus réservé — surtout lorsqu’il s’agit de personnalités publiques. L’élu ne se dit pas fondamentalement hostile au traitement de données personnelles, si cela se fait dans les clous.

« Je n’ai pas de problème à ce que l’information soit utilisable », juge-t-il, soulignant que de nombreux éléments le concernant sont déjà disponibles sur Wikipédia, sur l’Assemblée nationale, ou bien dans des articles de presse. Ce sur quoi il faut qu’OpenAI change, c’est sa capacité et sa volonté à corriger le tir. « Ils doivent faire la démonstration qu’ils corrigent les données erronées. »

Reste à savoir quand la Cnil précisera sa position et l’état du droit. Eric Bothorel estime qu’il n’y a certes « pas de péril imminent » avec cette affaire, contrairement à d’autres infractions liées aux données personnelles. Il espère néanmoins que la Cnil prendra la parole à un horizon proche, de quelques semaines tout au plus. Parce que voilà déjà presque six mois que ChatGPT est ouvert.

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