La taxe pour copie privée telle que nous la connaissons depuis le début des années 2000 est-elle en train de vivre ses derniers mois ? La Commission d’Albis se réunit aujourd’hui pour sa rentrée, dans un contexte délicat où son mode de fonctionnement et les fondements mêmes de la taxe sont remis en cause.

C’est aujourd’hui mercredi 10 septembre que la Commission copie privée présidée par Tristan d’Albis fait sa rentrée, dans un climat des plus lourds pour elle et pour ses membres. En plus de son cahier des charges qui prévoit un débat sur la taxation des magnétoscopes virtuels (de type Wizzgo) et des téléphones multimédias, et la présentation d’une étude d’usage sur les pratiques de copie privée, la Commission devra débattre au moins de manière informelle de son propre avenir.

Le Secrétaire d’Etat à l’économique numérique Eric Besson, qui a en charge la révision du mode de fonctionnement de la Commission, a en effet communiqué au début de l’été une série de propositions sur lesquelles devront se prononcer les différentes organisations qui débattent de l’assiette et du montant de la taxe pour copie privée (renforcer la transparence, doter la commission de moyens d’études propres, faciliter l’émergence d’un consensus dans les modalités de vote, renforcer la représentativité des membres, et renforcer l’assiduité aux réunions). Ces propositions font suite aux critiques acerbes émises par François Fillon, qui a mis en cause le manque de transparence et d’objectivité de la Commission pour copie privée. Les inquiétudes liées à la croissance du marché gris favorable aux voisins européens n’est sans doute pas étrangère à ces remontrances.

La réunion de la Commission d’Albis intervient également après la décision du Conseil d’Etat d’annuler une partie de l’assiette de la taxe pour copie privée (sur les mémoires et disques durs intégrés à un baladeur ou à un appareil de salon), et de s’attaquer de façon groupée à d’autres supports taxés. La haute juridiction administrative avait jugé en effet qu’il n’était pas légal d’assoir le montant de la rémunération pour copie privée sur les pratiques de piratage, pourtant largement prises en compte, qui sont toujours illicites au regard de la loi.

La première décision d’annulation ne prendra toutefois effet que début 2009, ce qui laisse quelques mois à la Commission pour revoir ses motifs de taxation en votant un nouvelle décision qui cette fois ne prendrait plus en compte les pratiques de téléchargement condamnées par la loi. Logiquement, le fait d’exclure des pratiques de copie de l’assiette de la rémunération devrait mécaniquement en faire baisser le coût. Mais les ayants droits, obstinés et habitués à être en roue libre à la Commission, ont déjà prévenu que le montant ne changerait pas. « Les organisations [de droit d’auteur] font observer que les barèmes prévus par la décision du 20 juillet 2006 (celle qui a été annulée, ndlr) ont été adoptés après qu’elles aient accepté de faire des concessions extrêmement importantes, dans un contexte où la détermination du montant des rémunérations ne prenait pas en compte l’origine – licite ou illicite -des copies« , indiquaient les ayants droits dans un communiqué commun. « Dès lors que seule une partie des copies privées effectuées sera prise en compte, les ayants droit seront fondés à réexaminer l’importance de ces concessions, ce qui est susceptible, dans le respect de la décision du Conseil d’Etat, de préserver le niveau actuel des barèmes de rémunération« .

Sans craindre le ridicule, les maisons de disques et les studios de cinéma prétendent qu’ils ont jusqu’à présent sous-estimé le taux de compression, et donc sous-évalué le nombre de contenus qui peuvent être stockés sur un support. Elles veulent donc revoir à la hausse la variable « taux de compression » pour maintenir mécaniquement à son niveau le montant de rémunération dans la nouvelle équation.

Mais les associations de consommateurs, peu vindicatives jusqu’à présent, n’hésiteront pas à dénoncer ce tour de passe-passe s’il a lieu sous l’oeil « bienveillant » du ministère de la Culture. Le CLCV a déjà indiqué que « des tergiversations et de nouvelles décisions qui aboutiraient, par la réévaluation d’autres paramètres de calcul, à maintenir le même niveau de rémunération, ainsi que certains semblent le souhaiter, contribueraient à discréditer l’image de la Commission, et surtout l’idée même de la rémunération pour copie privée auprès du public « .

Car bien au delà du montant de la rémunération pour copie privée, ce qui est en jeu est la légitimité et l’idée même d’une taxe sur la copie privée. La Commission Européenne s’interroge depuis de longs mois sur la possibilité d’interdire aux Etats de la mettre en œuvre, et commence à soulever, doucement, le voile de la la licence globale.

La licence globale serait en effet le seul moyen légitime de continuer à taxer les pratiques de téléchargement et de P2P au nom de la copie privée… puisqu’elles seraient cette fois réputées légales.


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