Installé rue de Valois depuis 2004, le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres a indiqué son souhait de rester en place sous le prochain gouvernement. Pour y faire quoi entre 2007 et 2012 ?

Difficile de laisser la place occupée autrefois par André Malraux. Renaud Donnedieu de Vabres, nommé ministre de la Culture par Jean-Pierre Raffarin en 2004 et confirmé dans ses fonctions par Dominique de Villepin, aimerait rempiler. « Oui, je souhaite rester ministre de la culture. J’ai exercé cette fonction avec passion », confie le ministre au journal Le Monde, en concédant que « c’est sans doute le ministère le plus difficile ».

Paraît-il traité de nul par Jean-Louis Debré ou d’incompétent par l’industrie culturelle, le ministre de la Culture RDDV accumule les critiques : passage en force d’une loi DADVSI inapplicable en partie censurée par le Conseil constitutionnel (votée avec la plus courte majorité de l’histoire de la législature), non publication de décrets promis, circulaire imprécise, échec de conciliation des FAI et du monde du cinéma, vote d’une loi passéiste sur la télévision du futur,…

Concrétiser un rêve : contrôler l’information sur internet

S’il est reconduit sous une ère Sarkozy, Donnedieu de Vabres s’attaquera en force à son nouveau dessein : le contrôle de l’information sur Internet. Avec l’aide de l’actuel ministre de l’intérieur, le ministre de la Culture a en effet commencé à concrétiser le projet dont il avait dessiné les contours il y a un an : s’attaquer « au problème de la presse et de l’Internet ». En effet après avoir assez largement conduit à l’insécurité juridique des créateurs de logiciels de P2P, qui permettent une diffusion démocratique des contenus (démocratique au sens le plus littéral : le pouvoir de diffusion donné à ceux-là mêmes qui reçoivent l’information), RDDV et Nicolas Sarkozy ont multiplié les assaults à l’égard de l’information citoyenne pendant les dernières semaines de la législature. En particulier à partir de trois actions distinctes et complémentaires :

Tout d’abord, le rapport de l’ancien président de France Télévisions Marc Tessier est arrivé sur le bureau du ministre en février 2007. Il avait été mandaté pour étudier les conditions du développement de  » la presse face au numérique « . Dans son rapport, Marc Tessier propose de donner un statut aux journalistes citoyens, calqué sur le statut du correspond local de la presse. Le statut serait décerné aux bloggeurs selon qu’ils respectent ou non selon certains critères déontologiques… et selon qu’ils publient ou non leurs écrits sur des sites animés par une  » rédaction professionnelle « . Ces sites où officient les  » vrais professionnels  » pourraient se voir décernés un label,  » particulièrement utile à destination des jeunes générations pour leur apprendre, dès leur scolarité, à mettre en perspective ce qu’ils trouvent sur Internet « . Le grand retour des médias officiels.  » La réaction des internautes, difficile à anticiper, pourrait bien être négative « , se méfie le rapporteur. Sans blague. Non seulement le sceau permettrait de dévaloriser par effet d’impression négative les contenus non labellisés (ce qui est en soit une forme de censure), mais en plus il donnerait des avantages juridiques, sociaux et fiscaux aux sites labellisés.

Deuxième événement, un projet de décret révélé en janvier par l’association Odebi, et qui vise la création d’une  » Commission nationale de déontologie des services de communication au public en ligne « . La Commission doit garantir  » l’effectivité et l’indépendance de la grille de classification des contenus et des services multimédias mobiles « . Coïncidence troublante, la Commission prévue aurait la possibilité de décerner des  » labels de confiance  » aux services de communication en ligne. Les hébergeurs, éditeurs et autres prestataires qui se comportent en bons petits soldats seront ainsi gratifiés du sceau officiel, tandis que les autres verront la suspiscion s’abattre sur eux. Reporters Sans Frontières, qui a plus l’habitude de se battre en Chine qu’en France, s’en est bien sûr ému.  » Nous craignons que les prestataires de services soient poussés à censurer abusivement leurs contenus pour préserver leur label « , a indiqué l’association.

Troisième et dernier événement, le projet de loi sur le renforcement de la prévention contre la délinquance, de Nicolas Sarkozy. Entre autres mesures le texte s’est vu amendé d’une disposition à l’encontre du happy slapping, cette pratique qui consiste à commettre une violence plus ou moins prononcée contre un individu et à filmer l’acte en vue de le diffuser en vidéo. Celui qui filme et celui qui diffuse la vidéo sont désormais spécifiquement visés par la loi et passibles de 5 ans d’emprisonnement. Le texte est déjà dangereux en ce qu’il fait peser un risque sur le diffuseur de la vidéo, qui peut ne rien avoir à faire avec l’auteur de l’acte, mais en plus il prévoit une exception pour les seuls  » journalistes professionnels « , qui se voient dotés d’une protection juridique spéciale derrière laquelle ne peuvent pas se protéger les journalistes amateurs de la blogosphère. La presse officielle sponsorisée par l’Etat à travers une TVA réduite est ainsi à nouveau favoriser au détriment de la presse nouvelle.

Le couple Sarkozy/RDDV veut créer de nouvelles ficelles pour diriger l’information en ligne, sur lesquelles il pourra tirer pour orienter l’information de telle ou telle manière. Cette vision de la société de l’information, du contrôle de l’expression démocratique, est bien au centre des élections de 2007. Car ce qui n’a pu être achevé sous l’ère Chirac pourra être considérablement développé dans les cinq années qui s’ouvrent…


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