Numerama publie le rapport commandé par le CSPLA sur les « oeuvres transformatives », qui propose de ne modifier la loi que par petites touches pour assurer un « droit au remix » aux créateurs, mais en ouvrant des portes intéressantes à la réflexion. Y compris pour légaliser les échanges d’oeuvres entre internautes.

Suite à la remise du rapport Lescure, l’ancienne ministre de la Culture Aurélie Filippetti était intervenue le 9 juillet 2013 dans une séance du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA), pour demander que l’instance se saisisse de la question des « oeuvres transformatives », c’est-à-dire essentiellement de la question du régime juridique des mashup et autres remixs.

Actuellement, la loi et la jurisprudence françaises ont profondément amoindri le bénéfice de l’exception pour courtes citations, notamment en l’excluant des oeuvres audiovisuelles, ou en les interdisant dans des oeuvres purement créatives, qui n’ont pas un caractère « critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information« . Les remixs et les mashups se heurtent par ailleurs au droit moral des oeuvres transformées, qu’il n’est pas toujours simple de respecter. D’où l’idée d’aménager le droit pour plus de souplesse.

Un an plus tard, le CSPLA a finalisé son rapport élaboré par la professeure de droit Valérie-Laure Benamou (mise à jour : cette dernière nous précise qu’il s’agit d’un rapport en son nom propre, même s’il a été commandé par le président du CSPLA. Il n’engage pas l’institution). Contrairement au rapport Lescure, il conclut qu’il n’est pas nécessaire d’ouvrir un nouveau champ d’exceptions pour autoriser explicitement les remixs et mashups. « Le droit d’auteur n’est pas toujours aussi féroce qu’on le dit quant à la réception de la création transformative« , assure le CSPLA, qui reconnaît que « des contraintes existent« , mais qui affirme d’après son analyse juridique que « la création d’œuvres transformatives n’est pas pour autant muselée en France« .

« Des marges de manœuvre existent tant dans la définition du périmètre des droits que dans   l’interprétation, récemment libéralisée par la Cour de Justice, des exceptions de citation et de parodie« , conclut le CSPLA. Il a rejeté au moins temporairement l’idée de créer un « fair use » à l’américaine en droit français, qui aurait permis d’assouplir largement les créations transformatives.

Néanmoins, le rapport ouvre des portes. Le CSPLA propose ainsi de réfléchir sur ces propositions :

  • « Garantir un accès effectif aux « matériaux créatifs » en accroissant notamment les   modes d’information sur les droits » : il s’agit là de clarifier le statut des oeuvres (dans le « domaine public » ou pas) ; d’imposer des limites aux DRM pour ne pas qu’ils puissent empêcher la réutilisation créative des oeuvres ; et d’assurer la disponibilité des fichiers d’oeuvres dans des formats ouverts.
     
  • « Reconsidérer les exceptions existantes à l’échelle nationale et européenne pour en   préciser les contours au regard des créations transformatives » : Il s’agit principalement de mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, en particulier l’arrêt Eva-Maria Painer sur l’exception de citation ;
     
  • « Reconnaître de manière explicite les droits des auteurs des œuvres transformatives » : Le CSPLA demande notamment à « éviter l’automatisation des procédures de retrait » contre les remix et mashups, ou à reconnaître le droit de transformer une oeuvre sans autorisation si cette modification est suffisamment substantielle pour qu’on ne reconnaisse l’oeuvre première ;
     
  • « Accompagner et poursuivre la réflexion sur la mise en place de solutions contractuelles   et légales relatives à la diffusion d’œuvres par des « amateurs »« 

Cette dernière proposition est la grande invitée surprise du rapport, surtout s’agissant d’une institution dépendant du ministère de la Culture. Elle est la reconnaissance de l’intérêt de la proposition d’une légalisation des échanges non marchands. Sans aller jusqu’à les soutenir, le CSPLA estime que « les travaux de la Quadrature du Net (…) visant à consacrer des droits au partage ou des mécanismes de licence légale (…) supposent une réflexion actualisée (…) quant à l’opportunité de développer des outils juridiques de cette teneur« . Alors que l’Hadopi a ses propres travaux sur une légalisation d’échanges en P2P, le CSPLA invite implicitement le ministère de la culture à lui confier le dossier.

Le rapport (.pdf) :

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