Alors qu'il avait validé le dispositif lors d'un premier examen en 1996, le Conseil Constitutionnel a donné raison à Numericable et déclaré contraire à la constitution l'article de loi qui organise le pouvoir de sanction de l'Arcep. Dès aujourd'hui, toutes les procédures en cours devant l'autorité de régulation des télécoms sont annulées, et elle ne pourra plus en engager sans révision de la loi.

Le Conseil constitutionnel a rendu vendredi matin sa décision suite à la question prioritaire de constitutionnalité que lui avait posée le Conseil d'Etat, à la demande de Numericable. L'impact de la décision est lourd, puisque dès aujourd'hui, l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP) se voit interdire tout exercice de ses pouvoirs de fonctions, tant que la loi organisant ses procédures ne sera pas révisée.

Le câblo-opérateur avait intenté une action en inconstitutionnalité contre l'article L36-11 du code des postes et communications électroniques, pour obtenir l'annulation d'une amende de 5 millions d'euros infligée par l'Arcep.

L'autorité administrative avait reproché à Numericable ne pas avoir respecté une décision de l'Arcep de 2010 qui l'obligeait à proposer à ses concurrents un accès aux fourreaux, pour y déployer leur propre fibre optique. Mais Numericable estimait que la sanction avait été prise sans respecter les principes fondamentaux de la justice, en particulier l'indépendance et l'impartialité garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits d'homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel a donné raison à Numericable, en constatant que les dispositions du code des postes et communications électroniques "confient au directeur général (de l'Arcep) l'exercice des poursuites devant cette Autorité", que "les services de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont placés sous l'autorité du président de l'Autorité", et que "le directeur général est nommé par le président de l'Autorité, est placé sous son autorité et assiste aux délibérations de l'Autorité".

Dès lors, concluent les juges du Palais Royal, les textes qui organisent la procédure de sanction par l'Arcep "n'assurent pas la séparation au sein de l'Autorité entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des éventuels manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, méconnaissent le principe d'impartialité".

Tous les pouvoirs de sanction de l'Arcep sont annulés, avec effet immédiat. "La présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision", "elle est applicable à toutes les procédures en cours devant l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques ainsi qu'à toutes les instances non définitivement jugées à cette date", écrivent-ils dans leur décision.

Au delà des conséquences pour l'Arcep, la décision est importante pour les juristes en ce qu'elle confirme que le Conseil Constitutionnel peut revenir sur des décisions passées. En effet, le même Conseil constitutionnel avait validé le même article de loi contesté, lors de son examen en 1996. Mais il a depuis changé de jurisprudence, ce qui l'autorise à revenir lui-même sur ses propres décisions, malgré le principe juridique du non bis in idem.


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