Depuis la signature des accords Olivennes en novembre 2007 et l’envoi des premiers avertissements par l’Hadopi à la fin de l’année 2010, le paysage du piratage en France a beaucoup évolué. Dans un sens déjà perceptible en 2007, qui rend l’Hadopi aujourd’hui totalement archaïque, avant-même son entrée véritable en action. Illustrations.

Ce samedi 8 janvier 2011, cela fera très exactement un an jour pour jour que l’Hadopi a été installée par Frédéric Mitterrand. S’il est trop tôt pour faire un premier bilan de son action, puisque ses avertissements n’ont véritablement commencé à partir que ces dernières semaines, l’occasion nous est donnée de vérifier déjà son inutilité, et son archaïsme. Pensée au moment de la décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré une première version de la riposte graduée en 2006, la loi Hadopi ne peut juridiquement et techniquement viser que les seuls réseaux P2P.

Juridiquement, parce que le décret qui encadre la transmission des infractions constatées à l’Hadopi prévoit exclusivement le Peer-to-Peer comme moyen d’infraction. Ce qui est le résultat d’une contrainte technique. Tout l’arsenal de la riposte graduée repose en effet sur la collecte d’adresses IP par une société privée, TMG. Or le P2P est le seul type de protocole qui fonctionne comme une place de marché à ciel ouvert, où les échanges entre les individus peuvent être observés en se mêlant à la foule. Il suffit de demander qui a un kilo de tomates (de fichiers MP3) à offrir, et tous les marchands du coin qui peuvent répondre à la demande lèvent la main pour crier leur adresse IP. Inversement, chacun peut proposer son kilo de pommes de terre, et toutes les personnes intéressées disent à quel adresse IP l’expédier. Il suffit donc à TMG de demander des tomates pour savoir qui les propose illégalement, ou de proposer des paquets de pomme de terre pour savoir qui veut les prendre. Et de noter l’adresse IP de chacun avant de les transmettre à l’Hadopi.

Au contraire, sur les services de téléchargement direct comme MegaUpload ou sur les sites de streaming, les intermédiaires font écran. L’adresse IP du vendeur de tomates n’est connue que de l’organisateur du marché (MegaUpload par exemple), et celle des acheteurs n’est connue que de leur chauffeur de taxi (le FAI), et toujours de l’organisateur du marché. Il est impossible à TMG de connaître l’adresse IP de ceux qui proposent des tomates ou qui recherchent des pommes de terre. Pour que l’Hadopi puisse s’attaquer au streaming ou au téléchargement direct, il faudrait pouvoir soit exiger des intermédiaires qu’ils livrent les adresses IP de leurs clients, soit installer directement des mouchards chez les FAI. Ce qui, dans les deux cas, poserait de graves problèmes d’atteinte à la vie privée.

Or, parce que la génération P2P qui aimait partager ses fichiers pour former une bibliothèque d’Alexandrie a cédé le pas à une nouvelle génération de consommateurs de fichiers piratés qui préfèrent télécharger rapidement que partager beaucoup, le streaming et le téléchargement direct ont progressivement pris le pas sur le P2P. Le mouvement a commencé dès avant les travaux préparatoires de mise en place de l’Hadopi, et continue depuis. C’est ce qu’illustre cette série de graphiques que nous avons préparés d’après les données de Google Trends, sur les recherches effectuées en France depuis 2004. Ils reflètent l’intérêt porté par les internautes français aux différents mots clés testés, et donc l’évolution de leurs pratiques.

Comme on peut le constater, l’Hadopi n’a eu aucun effet sur le piratage, qui a simplement changé de visage pour se déplacer vers des zones inaccessibles aux chasseurs d’adresses IP. Et il n’a pas plus la moindre action positive sur les recherches qui doivent mener à des plateformes légales (« VOD », « Deezer », « Spotify »…)

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