C’est une victoire à la Pyrrhus. Le ministère de la Culture a choisi de fermer son site de promotion de la loi Création et Internet, Jaimelesartistes.fr. Mais plutôt que de le fermer en reconnaissant la validité des contestations avancées par les députés lors du débat sur la loi, le ministère accuse les pirates de l’avoir contraint à cette décision, contre les artistes. La bataille de la communication continue.

En apparence, c’est une victoire. En réalité c’est une défaite que viennent de subir les internautes et l’ensemble des organisations de défense des droits des citoyens sur Internet. Suite aux attaques DDoS subies par le site qu’il avait mis en place pour présenter ses arguments (et ceux des lobbys) en faveur de la loi Création et Internet, le ministère a annoncé qu’il fermait le site Jaimelesartistes.fr. L’occasion était trop belle pour les services de Christine Albanel de dénoncer à nouveau les pirates et de continuer faire passer les opposants à son projet de loi pour de simples parasites destructeurs sans arguments solides.

Pour expliquer la décision de fermer le site, le ministère a ainsi déploré les « attaques incessantes » dont aurait été victime le site, et estimé que la « mobilisation des groupes de pression qui s’opposent aux droits des artistes et des entreprises culturelles […] prive […] de tribune ceux qui défendent -concrètement, grâce au projet de loi Création et Internet, et non par de simples déclarations d’intention- les créateurs et ceux qui les soutiennent« .

A l’image des propos de la ministre qui a reproché à l’opposition de comparer le fonctionnement de l’Hadopi à « une antenne de la Gestapo« , pour mettre fin à tout débat sur le fond, cette façon de présenter l’arrêt de Jaimelesartistes.fr permet de faire peser l’entière responsabilité sur les internautes, sans répondre aux critiques de fond qu’avaient émis les députés à l’Assemblée Nationale.

Dès le premier jour d’examen du texte, le socialiste Patrick Bloche avait demandé l’arrêt du site créé par le ministère. « Au nom de la séparation des pouvoirs, arrêtez de faire pression sur les députés pendant qu’ils légifèrent !« , avait proclamé Patrick Bloche. « Vous pouvez prendre la parole à tout moment. Vous n’avez nul besoin d’une lettre électronique, ni d’un site dont le nom est insultant pour nous« , avait-il poursuivi, en dénonçant « un site de propagande« .

« Le site Jaimelesartistes.fr n’est pas un site de propagande, mais d’information« , avait défendu la ministre. « Nous y montrons l’action que nous menons, au nom de notre attachement pour les artistes. J’ai la conviction qu’en portant ce projet de loi, nous défendons leurs droits« .

Mais pour Patrick Bloche « si c’est de la communication et qu’il s’agit d’un site officiel, financé par de l’argent public, le moins que l’on puisse alors demander, c’est que la parole y soit donnée à ceux qui s’opposent à ce projet de loi« . « Au lieu de dialoguer avec M. Luc Besson sous les ors du ministère, acceptez la contradiction ; acceptez que nous dialoguions avec vous sur ce site officiel et que nous y développions nos arguments. Cela, ce serait de la communication ! Comme ce n’est pas le cas, il s’agit d’un site de propagande« , avait-il réitéré, avec l’appui de nombreux parlementaires offusqués par l’ouverture du site et la manière dont il était présenté.

« C’est seulement un site d’information gouvernementale. Je vous demande de me croire parce que je ne suis vraiment pas quelqu’un qui manie l’arme de la propagande. Ce n’est pas du tout mon but. Par contre, je souhaite informer et convaincre« , avait répondu Christine Albanel, peu convaincante.

La fermeture du site sur fond de piratage organisé permet ainsi au ministère de pointer une nouvelle fois l’effet néfaste d’un internet non régulé, et la volonté de destruction des internautes, en se mettant à nouveau du côté de ceux qui « aiment les artistes ». Elle permettra surtout d’éviter à la reprise des débats, à partir du 31 mars prochain, que les députés protestent à nouveau contre l’exploitation de ce site, sans pour autant avoir à reconnaître qu’il était mal venu de le créer et de distribuer des t-shirts à son effigie sur les plateaux de télévision.

De là à dire que le cabinet de Christine Albanel a fait exprès d’agiter le chiffon rouge devant les hackers, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas.


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