Microsoft, Nvidia, IBM, Dell et consorts ont exporté vers Pékin ces 25 dernières années le meilleur de la Silicon Valley pour bâtir un État policier selon l’Associated Press qui a publié une enquête sur les liens entre le dispositif de surveillance de masse en Chine et les grandes firmes de la Silicon Valley.
Quand l’innovation rencontre la répression. Dans une enquête publiée par l’Associated Press (AP) le 9 septembre, l’agence de presse américaine révèle que plusieurs entreprises technologiques américaines auraient permis ce dernier quart de siècle une surveillance de masse et des détentions brutales en Chine.
Selon l’AP, la Silicon Valley aurait largement contribué à la construction de l’État policier chinois en vendant des technologies à la police, au gouvernement et aux entreprises chinoises, et ce, pour des milliards de dollars.


La répression ouïghoure au cœur du dispositif
Le Congrès américain et des journalistes ont pourtant haussé le ton à de nombreuses reprises contre ces ventes, pointant du doigt une utilisation de ces outils par le régime communiste pour réprimer l’opposition et cibler des minorités, en particulier la minorité Ouïghour dans la région du Xinjiang, qui a fait l’objet de stérilisations forcées, de viols, d’emprisonnements, et même de déportations.
En 2018 déjà, Human Rights Watch dénonçait un degré de répression croissant depuis la nomination de Chen Quanguo au poste de secrétaire du Parti Communiste régional. Ainsi ce dernier a t-il mis en place des camps de rééducation où des Kazakhs et des Ouïghours sont détenus. 4 ans plus tard, en 2022, l’ONG estimait que plus d’un million de personnes (sur une population de 11 millions d’individus) avaient été envoyés dans ces camps.

De la “police prédictive” aux fichiers ethniques
Cette violence a notamment été permise par des produits et systèmes des géants américains de la tech. L’Associated Press explique que la Silicon Valley a vendu à Pékin une “police prédictive”, soit une “technologie qui capte et analyse les données pour prévenir les crimes, les manifestations ou les attentats terroristes avant qu’ils ne se produisent.” Les données en question exploitées sont faites de SMS, d’appels, de paiements, de prélèvements ADN et même des consommations d’eau et d’électricité individuelles. L’objectif est de parvenir à identifier les individus jugés suspects et de prédire leur comportement.
IBM, multinationale étasunienne présente dans les domaines du matériel informatique, du logiciel et des services informatiques, a collaboré avec une société chinoise de défense du nom de Huadi pour concevoir son principal système de surveillance. Connu sous le nom de “Bouclier d’or”, il permet aux autorités de censurer Internet et de réprimer les terroristes présumés tout comme les citoyens gênants. Dans le Xinjiang, cette invention aurait permis de classer les individus en fonction de leur “dangerosité”, en partant d’une note de 100 points. En fonction de critères tels que le port de la barbe, un âge compris entre 15 et 55 ans ou le simple fait d’être Ouïghour, la note peut drastiquement diminuer.
Le constructeur d’ordinateurs Dell a lui abordé très spécifiquement la question raciale dans son marketing pour vendre ses produits. L’entreprise, aux côtés d’une affaire locale, aurait fait la promotion d’un ordinateur équipé d’une IA de « reconnaissance de toutes les origines ethniques » sur le compte WeChat officiel de Dell en 2019, toujours selon les recherches faites par l’Associated Press.
La même année, les États-Unis ont pris des sanctions contre la Chine pour condamner les violences infligées aux Ouïghours dans le Xinjiang, réduisant de beaucoup les exportations de technologies américaines qui auraient servi de base au dispositif de surveillance du PC.
Nvidia dans le viseur pour ses puces dédiées IA
Plus récemment, fin juillet 2025, Nvidia a été pointé du doigt par 20 ex-responsables politiques américains et experts en sécurité dans une lettre envoyée au Secrétaire au Commerce des États-Unis, Howard Lutnick. Les signataires ont dit s’inquiéter des négociations entre le concepteur de processeurs graphiques et le gouvernement américain pour que Nvidia puisse vendre à la Chine sa puce H20 utilisée dans l’intelligence artificielle. Si les exportations sont depuis suspendues, les auteurs du courrier ont assuré que la puce, une fois arrivée dans l’Empire du Milieu, tomberait nécessairement dans les mains des services militaires et du renseignement chinois.
Il est à noter que la majorité des entreprises citées dans l’enquête, qui vont de Nvidia à Microsoft en passant par Amazon, ont assuré à l’AP respecter les réglementations en vigueur dans leur pays d’origine, quand d’autres ont nié toute implication dans l’État policier chinois.
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