La société américaine Kohler est accusée d’avoir présenté de façon trompeuse la sécurité de son nouveau dispositif « santé » pour toilettes, Dekoda, en parlant de « chiffrement de bout en bout » alors que l’entreprise peut accéder aux données et aux photos recueillies et les utiliser pour entraîner des modèles d’IA.

Mi-octobre 2025, l’entreprise Kohler présente au grand public Dekoda.

L’accessoire de toilette coûte environ 600 dollars (auxquels s’ajoute un abonnement mensuel) et fait rapidement le tour des réseaux sociaux et des médias spécialisés.

Fixé sur la cuvette, il prend des images du contenu délivré et analyse selles et urine pour fournir des informations sur la santé digestive, l’hydratation et d’autres indicateurs de santé de son heureux acquéreur, le tout étant envoyé via l’application Kohler Health.

Au lancement, Kohler insiste sur le fait que les capteurs ne filment que l’intérieur de la cuvette et affirme sur son site que les données envoyées sont protégées par du « chiffrement de bout en bout », afin de rassurer les utilisateurs.

Problème pour le concepteur, le spécialiste en sécurité informatique Simon Fondrie-Teitler se penche sur le dispositif, consulte le site et relève des incohérences dans ces promesses de confidentialité dans un article de blog publié le 2 décembre 2025.​

Interrogé par le média américain 404 Media, il explique sa démarche : « Je ne voulais pas que l’expression ‘chiffrement de bout en bout’ soit galvaudée et réduite à la simple utilisation du protocole HTTPS. Je souhaitais vérifier son fonctionnement réel et en informer le public. »

La caméra intégrée au système Dekoda permet d'analyser le contenu de la cuvette // Source : Kohler
La caméra intégrée au système Dekoda permet d’analyser le contenu de la cuvette. // Source : Kohler

Une utilisation abusive de l’expression « E2EE » (chiffrement de bout en bout)

L’accusation de l’ingénieur porte sur l’emploi du terme E2EE, qui signifie « End-to-End Encryption », en français « chiffrement de bout en bout ». Cette méthode de protection des communications, popularisée auprès du grand public par des applications comme WhatsApp ou Signal, garantit que seuls l’expéditeur et le destinataire peuvent lire le contenu des échanges.

Devenu un véritable gage de confidentialité aux yeux de nombreux clients, ce terme a été repris par Kohler comme argument marketing pour vendre son produit. En théorie, le chiffrement de bout en bout implique que les données soient chiffrées directement sur l’appareil de la personne qui envoie le message et seulement déchiffrées sur celui de la personne qui le reçoit, sans que le fournisseur du service n’ait accès aux clés.

Or, Kohler a confirmé à Simon Fondrie‑Teitler que, dans la pratique, les données sont bien chiffrées sur le téléphone, l’accessoire et leurs serveurs, mais qu’elles sont ensuite déchiffrées et traitées sur les systèmes de l’entreprise.

Ce que Kohler présente comme du « chiffrement de bout en bout » correspond donc en réalité à un schéma de sécurité bien plus standard : chiffrement des données en circulation entre l’appareil et les serveurs, puis chiffrement « au repos » une fois stockées.​

Tout pour l’IA et le marketing

L’usage du terme E2EE par Kohler est donc au mieux confus, au pire trompeur pour le grand public, qui peut croire que l’entreprise américaine n’a aucun accès aux images prises depuis leurs toilettes.

Interrogé par le média américain TechCrunch, un responsable de Kohler explique que l’entreprise a « utilisé ce terme en référence au chiffrement des données échangées entre nos utilisateurs (expéditeur) et Kohler Health (destinataire). ».

Reste une question : pourquoi Kohler souhaite‑t‑elle obtenir des données sur les déjections de ses clients ? D’abord pour des considérations marketing, mais aussi pour le développement de ses modèles d’IA.

Selon sa politique de confidentialité, Kohler utilise des données personnelles anonymisées pour les « partager avec des tiers à des fins commerciales légitimes, notamment pour analyser et améliorer la plateforme Kohler Health et nos autres produits et services, pour promouvoir notre activité et pour entraîner nos modèles d’IA et d’apprentissage automatique. »

Kohler précise par ailleurs que, lors de l’inscription, l’utilisateur peut refuser l’utilisation de ses données de santé.

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