De toute évidence, la plaidoirie du préfet de police de Paris en faveur de la vidéo surveillance algorithmique (VSA) a été entendue. À l’occasion de sa déclaration de politique générale, le 1er octobre, le Premier ministre Michel Barnier a souhaité la « généralisation de la méthode expérimentée pendant les Jeux olympiques ».
Selon les informations de France Info, Michel Barnier a bien fait référence ici à la VSA, qui consiste à combiner des caméras de vidéosurveillance situées dans l’espace public avec des algorithmes d’intelligence artificielle (IA). Selon le préfet Laurent Nuñez, le bilan de cette combinaison inédite est « positif » et la technologie « a démontré son utilité ».
Une VSA lancée « à titre expérimental »
Cette combinaison des caméras et de l’IA a été autorisée en 2023 dans le cadre d’une loi exceptionnelle concernant la sécurisation des Jeux. Dans le texte voté par le Parlement, il était prévu que cette VSA soit utilisée « à titre expérimental », uniquement pour des évènements de grande ampleur, et que pour un nombre limité de circonstances.
En l’espèce, l’IA est actuellement configurée pour cibler des départs de feu, des objets abandonnés, des mouvements de foule, des armes, des densités excessives, une personne à terre, des véhicules ou des individus à contre-sens ou se trouvant dans des endroits sensibles ou interdits. La VSA n’est pas calibrée pour la reconnaissance faciale, aujourd’hui.
Si les JO sont terminés depuis le 8 septembre 2024, date de clôture des Jeux paralympiques, il s’avère que la VSA est toujours active. En effet, la loi a prévu une plage de fonctionnement beaucoup plus étendue. Celle-ci est censée se terminer le 31 mars 2025. Avant cela, un rapport d’évaluation doit être remis d’ici au 31 décembre 2024.
De toute évidence, le Premier ministre apparaît décidé à continuer sur cette lancée, sans attendre ce rapport. Celui-ci est censé être remis au Parlement, qui a voté la loi, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), en raison de l’emploi d’outils informatiques sur des personnes, mais aussi rendu public.
La VSA a aussi été testée en amont des JO, dès le deuxième semestre 2023, notamment pour vérifier son bon fonctionnement pour le « jour J ». Elle a notamment été mise en œuvre lors de concerts, de matchs de football, la coupe du monde rugby et du tournoi de Roland-Garros. La SNCF a aussi exploré la VSA dans certaines gares très fréquentées.
La décision du gouvernement de Michel Barnier de généraliser la VSA n’est pas fondamentalement une surprise au regard de l’alignement politique du nouvel exécutif. Par ailleurs, dans la précédente équipe gouvernementale, l’ex- ministre des Sports et des JO, Amélie Oudéa-Castéra, suggérait déjà fin 2023 une pérennisation de cette technologie.
Des expérimentations qui demeurent
Comme l’a souligné en septembre Nicolas Hervieu, juriste en droit public et droit européen des droits de l’homme, lors de la prise de parole de Laurent Nuñez, le cheminement pris par la vidéosurveillance algorithmique est une « énième illustration de la spirale classique des atteintes aux libertés ». Le provisoire devient permanent, l’exception, la règle.
- Étape 1 : Créer un dispositif « temporaire » pour motif « exceptionnel » (ici les JO) ;
- Étape 2 : Le temporaire devient permanent pour un cas précis ;
- Étape 3 : Le permanent est généralisé en droit commun.
Précédemment, la Cnil aussi avait mis en garde contre des tests engendrant au sein de la population un « effet cliquet », où tout retour devient dans les faits impossible. À l’époque, la Commission avait spécifiquement pris pour cible la perspective d’un déploiement plus large de la reconnaissance faciale dans la société :
« Les expérimentations ne sauraient éthiquement avoir pour objet ou pour effet d’accoutumer les personnes à des techniques de surveillance intrusive, en ayant pour but plus ou moins explicite de préparer le terrain à un déploiement plus poussé ». Un avis qui pourrait coller à la VSA, d’autant que des voix poussent pour y greffer la reconnaissance faciale.
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