La catastrophe industrielle qu’est le Boeing 737 MAX connaît un nouveau rebondissement. Le constructeur aéronautique a été accusé par le régulateur américain de lui avoir caché des informations importantes, en particulier un échange entre deux employés qui pointaient dès 2016 les soucis du MCAS, aujourd’hui au cœur du scandale.

Nouveau rebondissement dans l’interminable crise que connaît Boeing avec le 737 MAX : des échanges entre deux pilotes d’avion, qu’ont pu consulter Reuters et le New York Times, montrent que les spécificités du MCAS, un système qui sert à stabiliser automatiquement l’aéronef en vol, en l’empêchant de décrocher et de partir en piqué, posaient déjà des difficultés dans le simulateur.

Un souci identifié dès 2016 en simulateur

La discussion sur messagerie instantanée, qui date de 2016, relate les observations de Mark Forkner, à l’époque pilote technique en chef du 737 MAX, à son collègue, Patrik Gustavsson. Il lui explique que le MCAS rend le 737 MAX difficile à piloter en simulation. « Ok, j’admets que je suis nul en pilotage, mais ça, c’était flagrant », lâche-t-il même, pour bien souligner l’écart entre ce qui était prévu et ce qui se passe.

Boeing avion 737 MAX

Des avions mis en parking.

Source : Eric Bannwarth

Dans les échanges suivants, Patrik Gustavsson considère alors qu’il sera nécessaire de mettre à jour les instructions dans le manuel de vol, tandis que Mark Forkner pense qu’il « a menti aux régulateurs (sans le savoir) ». En effet, huit mois avant cette discussion, Mark Forkner avait demandé à la direction de l’aviation civile américaine (FAA) s’il était possible de ne pas mentionner le MCAS dans le manuel de pilotage.

Il s’avère que la FAA croyait à l’époque que le système ne se déclencherait que dans de rares cas et n’était pas dangereux — manifestement, Mark Forkner aussi. La FAA a alors approuvé la proposition du pilote technique. Réagissant à la remarque de son collègue, Patrik Gustavsson cherche alors à le rassurer : « ce n’était pas un mensonge, personne ne nous a dit que c’était comme ça ».

« Ce n’était pas un mensonge, personne ne nous a dit que c’était comme ça »

Ces messages datent du mois de novembre 2016, donc plusieurs mois avant la décision de la FAA de certifier le 737 MAX. Ce feu vert est survenu en avril 2017. Le premier accident mortel impliquant cet aéronef surviendra en octobre 2018, suivi d’un second en mars 2019. Depuis, l’ensemble de la flotte est interdit de vol dans le monde entier, compte tenu de la similitude entre les deux crashs et du rôle du MCAS.

Le régulateur charge Boeing

La FAA s’est empressée de publier un communiqué dans lequel elle fait savoir que « Boeing a expliqué au ministère des Transports qu’il a découvert ces documents il y a plusieurs mois ». Cette notification au ministère n’est survenue que mi-octobre. Or, déplore la FAA, à aucun moment Boeing a jugé opportun de lui en toucher un mot, alors que l’avionneur était semble-t-il au courant d’un problème depuis plusieurs mois.

« La FAA trouve le contenu du document préoccupant. La FAA est également déçue que Boeing n’ait pas porté ce document à notre attention dès sa découverte ». C’est en effet le ministère des Transports qui l’a avertie, dès qu’il a eu l’information de Boeing. « La FAA est en train d’examiner ces renseignements afin de déterminer quelles mesures sont appropriées », ajoute le communiqué.

Dans un courrier à part, signé de la main du patron de la FAA, Dennis Muilenburg, le patron de Boeing, est sommé de s’expliquer.

Boeing 737 MAX avion

Un Boeing 737 MAX en manoeuvre.

Source : Nathan Coats

Pour la FAA, la manière dont est gérée la crise du Boeing 737 MAX est capitale : en effet, le régulateur est en eaux troubles depuis plusieurs mois à cause de la porosité qui a été mise en lumière entre ses services et le constructeur aéronautique américain. En particulier, la FAA a, selon la presse américaine, confié à Boeing le soin de vérifier et de valider lui-même le MCAS, qui est justement au cœur du scandale.

Boeing espère toujours faire revoler le 737 MAX

Boeing a aussi réagi dans un communiqué, disant « comprendre et regretter l’inquiétude » causée par ces révélations, mais aussi juger « malheureux » de n’avoir pu accompagner la publication de ces messages par des « commentaires éclairants ». Boeing précise toutefois que ces échanges ont été transmis aux enquêteurs en début d’année et assure de sa pleine coopération pour faire le point sur les circonstances de cet échange.

Reste une question : cette affaire va-t-elle avoir un impact sur le sort du 737 MAX, dont le retour opérationnel est plus que jamais incertain ? Pour Boeing, il est hors de propos de penser que cet avion ne revolera jamais : dans son communiqué, il déclare simplement faire de son mieux pour que l’appareil puisse revoler en toute sécurité. L’entreprise vise officiellement un retour d’ici la fin de l’année. Mais ce n’est pas gagné.


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