On ne connaît pas encore les détails de l’affaire, mais Bloomberg rapporte qu’un tribunal britannique a jugé vendredi que les chauffeurs inscrits sur la plateforme de VTC avaient le droit au salaire minimum et au paiement des congés payés. Autrement dit, la justice de Grande-Bretagne semble avoir jugé que les prétendus « travailleurs indépendants » ne l’étaient pas assez et qu’ils devaient être considérés comme des salariés à part entière de l’entreprise de mise en relation, ce qui met à plat tout le modèle économique de la startup.
En France, la question du statut des chauffeurs inscrits sur Uber en tant que travailleurs indépendants fait également l’objet d’une procédure en justice. En mai dernier, l’Urssaf d’Île-de-France a en effet décidé de poursuivre Uber devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass), après le refus de l’entreprise de payer plusieurs millions d’euros d’arriérés de cotisations, que l’Urssaf estiment dus.
Reprenant son argumentation habituelle, Uber estime qu’elle n’est pas donneuse d’ordres aux chauffeurs inscrits sur sa plateforme, qui resteraient libres de leur organisation et propriétaires de leur moyen de travail. Toutefois ça n’avait pas convaincu les services de collecte des cotisations sociales, pour qui le contrat noué entre Uber et les prestataires est bien un contrat de travail, dès lors que c’est Uber qui détermine la rémunération, fixe les courses à exécuter pendant le temps de travail, demande des comptes (voire sanctionne) en cas d’insatisfaction du client, etc.
Ne pas appliquer le droit des salariés risque de conduire progressivement à devoir ré-inventer le code du travail
Aux États-Unis, Uber a voulu s’engager à payer 100 millions de dollars pour tenter de tuer dans l’œuf une contestation similaire de ses chauffeurs américains, qui réclament aussi de bénéficier des mêmes droits que les salariés. L’accord a été rejeté par la justice.
Tout le modèle économique d’Uber, tellement séduisant pour certains que son imitation a donné naissance au terme « ubérisation », consiste à alléger au maximum la charge salariale et à faire prendre le risque d’éventuels échecs ou fluctuations d’activités aux prestataires, qui se retrouvent démunis en cas de problème (on l’a vu avec la fermeture soudaine de Take It Easy qui a laissé des prestataires sur la paille). En contournant les règles du code du travail, Uber veut s’offrir la flexibilité que les entreprises qui s’inscrivent dans les règles obtenues parfois de haute lutte n’ont pas.
Dès lors, trois possibilités. Soit la justice et le législateur font rentrer Uber et ses imitateurs dans les règles traditionnelles du modèle social bâti au 20e siècle. Soit ces règles de protection sociale sont abandonnées sur l’autel de la flexibilité nécessaire au libéralisme. Soit il faudra encadrer le recours des plateformes à des « prestataires indépendants », et assurer leur protection sociale autrement qu’aujourd’hui, ce qui risque de conduire progressivement à ré-inventer le code du travail, et à perdre des années voire des décennies à faire ainsi un tour sur soi-même.
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