Selon le Guardian, l’application Deliveroo imposerait aux coursiers « indépendants » qu’ils renoncent au droit de demander en justice l’application du droit du travail, et les menacerait de réclamer des indemnités s’ils osaient défier l’entreprise.

Mise à jour : Deliveroo nous précise que cette clause, qui figure sur le contrat britannique, n’est pas dans le contrat français.

Deliveroo fait partie de ces nouvelles startups reines de la livraison express qui misent sur « l’ubérisation » pour croître le plus rapidement possible sans avoir à embaucher le moindre salarié dans son cœur de métier. Comme Uber qui sert de plateforme à des VTC en quête de clients, l’entreprise utilise des « travailleurs indépendants » pour assurer ses prestations de livraison rapide de repas, et ne sert officiellement que d’intermédiaire entre ces entrepreneurs, les restaurants, et les clients affamés.

Sur son site, Deliveroo prévient ainsi que pour pouvoir devenir coursier, il faut « avoir déclaré son activité de prestation de services (SARL, entreprise individuelle, auto-entrepreneur…) », et disposer de son propre matériel. Le site vante le fait que le livreur est « indépendant et libre d’aménager son propre emploi du temps ».

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Toutefois Deliveroo risque à tout moment, au moins autant qu’Uber, une requalification de ces travailleurs indépendants, qui pourraient revendiquer le statut de salarié (voire que l’Urssaf l’impose d’elle-même pour percevoir les cotisations dues). C’est en effet l’entreprise elle-même qui fixe le prix des prestations et donc la grille de rémunération des coursiers, c’est elle qui fournit un outil de travail essentiel (l’application), qui impose un code vestimentaire, contrôle la bonne exécution des prestations, choisie la zone d’activité (il faut s’inscrire pour une ville en particulier), etc.

Pour tenter de se prémunir du risque, Deliveroo semble jouer sur l’intimidation juridique. Le contrat proposé aux coursiers par Deliveroo n’est pas public, mais selon le Guardian une clause y figurerait, qui interdit aux prestataires d’intenter une action auprès des prud’hommes.

Dissuader de porter plainte

« Vous garantissez en outre que ni vous ni quiconque agissant pour votre compte ne présentera de réclamation auprès du [tribunal des prud’hommes] ou un quelconque tribunal civil auprès duquel serait prétendu que vous êtes un employé ou ouvrier », stipulerait le contrat britannique. Surtout, il ajouterait qu’au cas où une telle action était tout de même initiée, le prétendu livreur indépendant devra indemniser Deliveroo de l’ensemble des frais d’avocats et autres dépenses liées au procès.

Ce type de clause est bien évidemment contraire à l’ordre public qui garantit un accès à la justice, et donc est réputé nulle et non avenue. Mais il suffit que ça intimide suffisamment les coursiers pour que ces derniers n’aillent pas jusqu’à risquer de voir la clause appliquée contre eux.

Dans un communiqué, Deliveroo explique que « nous avons travaillé avec des experts juridiques pour refléter » le fait que les livreurs étaient indépendants et libres de leurs activités, « et nous sommes fiers de créer des opportunités pour plus de 5 000 coursiers en Grande-Bretagne ». Il ne dément pas, néanmoins, que la clause d’intimidation est illicite.

Quel salaire pour les « coursiers indépendants » ?

En France, Deliveroo propose aux coursiers une rémunération de 7,5 euros de l’heure, auxquels s’ajoutent 2 euros par livraison (ou 3 euros sur Paris), et les éventuels pourboires plus rares en France que dans les pays anglo-saxons.

Les coursiers effectueraient une moyenne de 2 livraisons par heure, ce qui générerait donc entre 11,50 et 13,5 euros de l’heure… brut. En tant qu’entreprise, les livreurs doivent payer eux-mêmes l’ensemble des cotisations sociales et salariales, ce qui réduit de quasiment moitié la rémunération nette, et doivent cotiser s’ils le peuvent à leur propre assurance chômage privée, s’ils veulent bénéficier d’un équivalent aux Assedic, interdites aux entrepreneurs. Au final, la rémunération réelle nette se situe probablement autour de 6 à 7 euros de l’heure.

Mais ce modèle n’a pas que pour intérêt de payer à peine le smic. Il permet surtout d’éviter le code du travail, et l’application des seuils sociaux. Dans le cas par exemple où Deliveroo verrait son activité baisser et s’il n’y a plus assez de travail pour tous ses livreurs, l’entreprise n’aura aucune indemnité de licenciement à verser, ni aucun plan de sauvegarde de l’emploi à proposer. Les coursiers en mal de revenus partiront d’eux-mêmes, peut-être pour chercher un autre petit job à faire ailleurs, pour une autre plateforme.

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