Les négociations sur l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) étant achevées, le Parlement Européen a adopté mercredi une résolution qui se félicite du résultat, et ouvre la voie à sa ratification. « Un coup dur » selon la Quadrature du Net, qui garde cependant espoir.

Il faudra peut-être faire preuve d’autocritique à l’heure du bilan. Ces derniers mois et ces dernières années, beaucoup d’activistes et d’observateurs – y compris nous parfois – ont vu dans certains votes du Parlement Européen les signes d’une rébellion naissante contre la protection à outrance du droit d’auteur, et vers un rééquilibrage en faveur des droits du public. C’était être naïf, comme nous le pressentions finalement au mois de septembre, après l’adoption du rapport Gallo.

Nous avions dit, trop tard sans doute, que la déclaration n°12 qui demandait que toute la transparence soit faite sur l’ACTA n’était pas contraignante sur le fond. Nous avions vu que l’amendement 138 censé s’opposer à la riposte graduée à la française ne remettait pas en cause la politique européenne de renforcement de la propriété intellectuelle, tout comme le rapport Lambrinidis n’avait aucune incidence juridique. Nous aurions du mesurer l’influence nulle qu’a eue l’arrivée d’un député du Parti Pirate.

Ce mercredi, par 331 voix contre 294, les députés européens ont adopté une résolution présentée par les Démocrates-Chrétiens (PPE) et les Conservateurs (ECR), qui ouvre la voie à la ratification de l’ACTA en Europe, après la conclusion des négociations. Le Parlement y indique que l’accord « réaffirme que la lutte contre la contrefaçon est une priorité dans sa stratégie politique interne et internationale« , et juge que même s’il « ne résoudra pas le problème complexe et multi-dimensionnel de la contrefaçon« , « il s’agit d’un pas dans la bonne direction« .

Les parlementaires ne trouvent rien à redire au processus de négociation qui a été d’une opacité confondante, et disent même la comprendre parce qu’il « faut atteindre un bon équilibre, dans les négociations commerciales internationales, entre la transparence et la confidentialité« .

A gauche, les groupes S&D/Verts/ALDE/GUE avaient tenté de faire adopter une résolution alternative, beaucoup plus critique, qui posait une série de réserves d’interprétation devant limiter la portée de l’ACTA. Mais elle a été rejetée par 322 voix contre 306. Selon l’eurodéputée Verts Sandrine Bellier, les députés du PPE avaient claqué lundi soir la porte des négociations sur une résolution commune, en estimant que le Parlement devait se contenter d’accepter ou de rejeter en bloc l’ACTA, malgré les nouvelles dispositions du Traité de Lisbonne.

« Il est inacceptable de refuser au Parlement le droit de peser sur des questions aussi fondamentales que celles contenues dans le traité ACTA, qui touchent aux libertés publiques, à l’accès à Internet, à l’accès aux médicaments, à la brevetabilité du vivant ou à la protection des indications géographiques comme les AOC« , avait-elle prévenu avant le vote des résolutions. En vain.

Les députés Stavros Lambrinidis (S&D, Grèce) et Françoise Castex (S&D, France), qui avaient mené le combat de la Déclaration n°12, ont jugé après le vote que « la droite européenne a cédé aux exigences de certains gouvernements et aux pressions des industries culturelles« . Ils s’inquiètent en particulier de « la vague définition du terme échelle commercial (‘commercial scale’) associée à l’augmentation des sanctions pénales dans le domaine des atteintes au droit d’auteurs en ligne, [qui] pourrait encourager les Etats à adopter des législations menant à la criminalisation des usagers privés et des intermédiaires techniques« .

De son côté, la Quadrature du Net estime que le vote est « un coup dur pour les citoyens européens ». « Il ne faut pas perdre de vue que le vote le plus important sera celui de la ratification« , nuance cependant le porte-parole du collectif, Jérémie Zimmermann. Même si un tel résultat est hautement improbable vu l’écart de voix sur la résolution adoptée, il reste possible que le Parlement rejette l’ACTA dans son ensemble. « Tous les citoyens concernés par un processus législatif démocratique, la préservation de l’écosystème Internet, la liberté d’expression, la vie privée et l’accès aux soins doivent travailler avec leurs élus pour s’assurer que le Parlement européen ne ratifie pas l’ACTA« , demande la Quadrature.


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