Le Parlement européen a adopté mardi en seconde lecture la recommandation sur le Marché unique européen des communications électroniques, qui fixe un cadre sur la neutralité du net dont la portée réelle reste très douteuse.

Comme attendu, le Parlement européen a rejeté les uns après les autres à la mi-journée l’ensemble des amendements qui avaient été déposés sur le rapport de l’eurodéputée Pilar del Castillo, qui aura valeur de règlement du marché unique des télécoms dans l’Union européenne. Le rejet des modifications provoque l’adoption définitive du texte qui prévoit en particulier l’abandon des frais de roaming pour juin 2017, et un encadrement de la neutralité du net.

Mais le texte final issu d’un compromis informel entre le Conseil, le Parlement et la Commission sera loin de satisfaire les défenseurs de la neutralité des réseaux, tant il est édulcoré par rapport à la première version du rapport adoptée en avril 2014.

Comme un symbole à lui-seul, le règlement final n’utilise même plus l’expression « neutralité du net », le législateur ayant préféré le plus modeste « internet ouvert », qui ne porte pas la même ambition de non-discrimination dans le traitement des communications. Le texte crée une obligation de principe de traiter à égalité tous les paquets quels qu’en soient les contenus, origines ou destinations, mais aménage des brèches qui satisferont pleinement les fournisseurs d’accès à internet.

En particulier, le cadre adopté :

  • Autorise les FAI à réaliser une gestion de trafic discriminatoire entre les types de protocoles véhiculés, s’il existe des « exigences techniques de qualités de service objectivement différentes de catégories spécifiques de trafic ». En clair, les opérateurs pourront dire qu’il est normal de privilégier la télévision en streaming sur du téléchargement par BitTorrent en raison des temps de latence différents qu’ils exigent, et adapter ce raisonnement pour n’importe quels types d’applications ;
  • Autorise des « services optimisés » qui, sans être techniquement sur internet, utilisent les mêmes tuyaux pour parvenir au client final (essentiellement la TV et le téléphone par ADSL ou fibre aujourd’hui). Pour être autorisés ces services qui ont la priorité sur internet devront justifier d’avoir besoin d’un « niveau spécifique de qualité » non reproductible sur internet, et une part indéterminée de la bande passante globale devra toujours être consacrée à internet. Mais les critères d’appréciation sont flous et laisseront une grande marge de manœuvre à l’autorégulation et aux régulateurs nationaux, même si des lignes de conduite seront définies dans quelques mois par le BEREC, l’organe de régulation européen ;
  • Des pratiques ne sont pas explicitement interdites comme le « zero rating » qui permet de ne pas comptabiliser dans les forfaits de data l’utilisation de certains services (par exemple le stockage dans le Cloud de l’opérateur télécoms, ou l’utilisation du service d’un partenaire commercial). Le fait pour de grands acteurs comme Facebook, Netflix ou Google de mettre des serveurs de cache directement dans les réseaux internes des FAI n’est pas non plus couvert explicitement par le règlement, alors qu’il s’agit d’une pratique croissante qui permet d’avoir un avantage technique considérable sur les concurrents qui n’ont pas toujours le poids pour négocier de tels accords.

Devant la bronca de certains députés, Pilar Del Castillo a défendu le résultat final de son rapport, affirmant que « cette législation permettra de faire en sorte que le talent, l’innovation puissent s’exprimer dans le cadre de services innovateurs sur internet ».

Le règlement entrera en application en avril 2016.

 

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