Grand spécialiste des comptes des industries culturelles qu’il a souvent dénoncés, Christian Phéline a été élu nouveau président de l’Hadopi.

La décision a été annoncée par le député Marcel Rogemont (par un tweet rapidement supprimé), fraîchement nommé la semaine dernière membre de la Haute autorité pour la diffusion et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Elle a ensuite été officialisée. Réuni ce mercredi matin, le collège de l’Hadopi a élu Christian Phéline pour succéder à Marie-Françoise Marais en tant que président de l’autorité administrative.

 

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Grand connaisseur de l’industrie culturelle et en particulier des sociétés de gestion collective (Sacem, Adami, SCPP, etc.), Christian Phéline est un haut-fonctionnaire à la fois respecté et redouté, qui avait remis en 2013 à la demande d’Aurélie Filippetti un rapport très diversement apprécié sur le partage de la valeur dans l’industrie musicale à l’ère du numérique. Il avait mis en colère les producteurs de disques mais suscité davantage d’adhésion chez les artistes-interprètes.

« C’est un épais travail d’équilibriste de 140 pages, qui documente avec un plaisir presque maniaque l’impossibilité actuelle de savoir avec précision qui paie quoi à qui, qui impose quoi et qui fait vraiment ce qu’il claironne dans le monde très morcelé de la musique par Internet », avait écrit Libération.

Un haut-fonctionnaire aussi respecté que redouté par l’industrie culturelle

Dénonçant le manque de transparence de l’industrie, son rapport préconisait de réfléchir à l’instauration d’une licence de gestion collective obligatoire des droits, une mesure que refusent catégoriquement les grandes maisons de disques, qui tiennent à leur pouvoir de négociation individuelle pour faire pression sur les plateformes (s’il y avait gestion collective, elles ne pourraient plus menacer de retirer leurs catalogues des plateformes, et ces dernières paieraient toutes le même prix, qu’elles s’appellent Deezer, Spotify, YouTube Music ou Numerama).

Christian Phéline est donc perçu d’abord comme un défenseur des droits des créateurs, et moins comme un partisan des intérêts des intermédiaires et des producteurs. Ce qui est probablement une bonne chose.

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Christian Phéline (capture d’écran d’une interview par Mediapart)

Arrivé en janvier 2012 à l’Hadopi, Christian Phéline doit en être membre et donc président jusqu’en 2018. Il avait commencé sa carrière en tant que sous-directeur des interventions culturelles à la direction du développement culturel du ministère de la Culture et de la Communication (1982), et a ensuite occupé de nombreuses fonctions liées à la Culture : administrateur général du Musée national d’art moderne (1987-1989), directeur général adjoint du Centre national de la cinématographie (1989-1991), président de la commission d’aide sélective à la distribution d’œuvres cinématographiques françaises et étrangères (1994-1996), conseiller chargé de l’économie des médias au cabinet du ministre de la Culture (1998-1999), directeur de la direction du développement des médias (2000).

Il fut ensuite nommé maître à la Cour des comptes (2002), président conseil d’administration du Fonds de solidarité (2004-2010), et rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition de 2006 à 2014. C’est notamment dans cette fonction qu’il avait publié des rapports particulièrement cinglants contre la Sacem, dont un sur la rémunération extravagante de certains dirigeants.

Dans son très riche CV, M. Phéline a aussi été membre de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) de 2012 à 2015, et président d’une formation de jugement à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).


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