Hollywood tenait la plume du procureur. Une enquête du New York Times réalisée pour partie grâce au piratage des serveurs de Sony montre que la MPAA est très proche du procureur le plus actif contre Google aux Etats-Unis, et que le lobby était derrière les demandes faites à Google de censurer beaucoup plus drastiquement ses résultats de recherche.

Depuis plusieurs années, le fondateur de MegaUpload Kim Dotcom crie sur tous les toits que la justice américaine est corrompue dans sa lutte contre les sites de piratage, et pointe du doigt en particulier l'action de la MPAA, le principal lobby des studios de cinéma à Hollywood. L'homme d'affaires n'a jusqu'à présent jamais réussi à prouver ses accusations, malgré les 5 millions de dollars offerts à qui lui apporteraient la preuve sur un plateau.

Ce n'est pas encore la preuve ultime espérée, mais le piratage des serveurs et des e-mails de Sony Pictures pourrait bien mettre quelques pièces dans la machine à scandale. Malgré la pression que le studio a tenté de mettre sur la presse en menaçant les journaux de poursuites s'ils exploitaient les documents révélés par les hackers, le New York Times a révélé qu'au moins un procureur américain avait travaillé de façon on ne peut plus étroite avec la MPAA, pour préparer des dossiers de mise en accusation contre Google. Le tout se déroule dans le cadre du projet Goliath mis au point par Hollywood contre Google.

Le quotidien américain a croisé des documents présents dans les archives piratées chez Sony Pictures avec des copies de courriers obtenus très officiellement auprès des autorités. Ils témoignent de l'activité pour le moins suspecte de Jim Hood, un procureur (avocat général) particulièrement sensible à la cause des studios de cinéma, et qui voue une véritablement détestation à l'égard de Google, qu'il n'a jamais cachée à coup de lettres et de procédures judiciaires en série.

LA LETTRE DU PROCUREUR ETAIT ÉCRITE PAR LA MPAA

"Depuis 10 ans que je suis Avocat Général, j'ai eu affaire à beaucoup de malfaiteurs de grandes entreprises", avait-il écrit à Google en novembre 2013. "Je dois dire que la vôtre est la première que je rencontre qui n'a aucune conscience d'entreprise pour la sécurité de ses clients, la viabilité des autres entreprises, ou l'impact économique négatif sur la nation qui a permis à votre entreprise de prospérer".

Surtout, le New York Times révèle que cette longue lettre, qui détaille longuement les griefs faits à Google sur son manque de filtrage des résultats de recherche et le menace de poursuites pénales, a été presque entièrement rédigée par un cabinet juridique employé par la MPAA. Le procureur n'a fait qu'y ajouter quelques remarques préliminaires personnelles, telles celles reproduites ci-dessus, mais l'essentiel de la missive était rédigée par le conseil de la MPAA, un certain Tom Perrelli. Pour sa défense, Hood affirme qu'il ne savait pas que l'homme qui lui a mâché le travail était employé par le lobby hollywoodien.

D'autres entreprises opposées à Google, en particulier Microsoft, auraient également participé activement à la préparation de dossiers d'instructions contre Google.

UN PROCUREUR ELU AVEC L'ARGENT DES LOBBYS

The Verge cite également un e-mail du 16 janvier, quelques jours avant une réunion entre Google et des procureurs, dans lequel l'avocat de la MPAA raconte qu'il a été appelé par téléphone la veille au soir par Jim Hood, qui lui demandait des exemples de recherches conduisant à des films piratés, pour faire une démonstration en live. 

Or ces révélations ont une tonalité plus particulière encore aux Etats-Unis, où les procureurs doivent faire campagne pour être élus. Leur mode de désignation encourage la corruption, d'autant plus qu'il est permis aux particuliers et aux entreprises de financer les campagnes. Ainsi l'an dernier, Hood a reçu plusieurs milliers de dollars de la part des studios de cinéma (qui légalement ne peuvent donner "que" 1000 dollars chacune). 

La MPAA avait également écrit à tous ses adhérents pour leur demander de verser chacun 1000 dollars à la campagne d'un autre procureur très réceptif à leurs soucis, Jon Bruning, qui se présentait pour un poste de Gouverneur (il a finalement échoué).

Enfin, la corruption n'est pas que financière. Selon le New York Times, la MPAA aurait financé le lobby Digital Citizens Alliance pour recruter indirectement un lobbyiste très proche du procureur Hood, qui était même son prédécesseur et son mentor. Les deux hommes sont restés très proches et voyageraient fréquemment ensemble, ce qui permet de rappeler les souhaits et de se tenir informé des avancées sur les dossiers en cours…

Dans un communiqué publié jeudi, Google a dénoncé les méthodes de la MPAA, et mis en doute l'assurance du procureur Hood qu'il agissait par ses propres convictions. Les relations diplomatiques déjà rompues ne sont pas prêtes d'être rétablies.


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