La MPAA devient membre du W3C, le consortium chargé d'établir les standards du web. L'adhésion intervient au moment où le W3C travaille sur une standardisation des DRM au sein des pages HTML5, renonçant ainsi aux principes d'ouverture qui étaient les siens.

Mauvaise nouvelle pour le développement du web ? Le Worldwide Web Consortium (W3C) a annoncé mardi que la Motion Picture Association of America (MPAA), la très puissante organisation de défense des intérêts des studios d'Hollywood, rejoignait l'organisation chargée d'établir les standards techniques du web. "Nous sommes ravis de rejoindre le W3C et nous attendons de pouvoir écouter, apprendre et contribuer", s'est immédiatement félicité Alex Deacon, le vice-président aux technologies internet de la MPAA.

Beaucoup craindront que le loup soit entré dans la bergerie. En tant que membre, la MPAA pourra faire des propositions, et influer sur les standards. Or la MPAA a multiplié ces dernières années les tentatives de censure des sites internet véhiculant des films piratés, et a échoué à faire adopter aux Etats-Unis les lois très liberticides qu'il poussait, les fameuses SOPA et PIPA — lesquelles vont arriver en France sous l'impulsion de la présidente de la commission de protection des Droits de l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, qui remettra son rapport sur les procédures de blocage et de chantage dans les prochains jours ou les prochaines semaines à la ministre Aurélie Filippetti.

"Trop de choses sont en jeu pour que nous autorisions des sites voyous et ceux qui les opèrent à continuer à voler des œuvres en toute impunité. C'est pourquoi, avec une large coalition d'entreprises, de syndicats, de guildes, d'autorités judiciaires, et d'autres défenseurs d'intérêts, nous travaillons sur des solutions qui mettront un terme aux sites voyous", peut-on lire sur le site de la MPAA.

Contrairement aux valeurs traditionnelles portées par le W3C, la MPAA n'a jamais soutenu les standards et les formats ouverts, mais a soutenu au contraire des formats propriétaires, fermés, où l'utilisateur est contrôlé par le biais des DRM. Or l'adhésion de la MPAA au W3C intervient justement au moment où le W3C est vivement critiqué pour son adoption d'une méthode standard d'intégration de DRM en HTML5, soutenu par Tim Berners-Lee. En réalisant cette concession, majeure, l'inventeur du web veut éviter que les studios hollywoodiens continuent à choisir des plateformes fermées comme iTunes, et acceptent enfin de mettre leurs films sur un web ouvert à tous quelle que soit la machine ou le logiciel utilisé. 

"Le support de Berners-Lee au HTML5 semble basé sur l'idée de courte vue (ou carrément fausse) que le web a besoin de l'industrie du divertissement traditionnelle, davantage que l'industrie du divertissement traditionnelle a besoin du web", critique Techdirt.  "Construire des standards réellement ouverts que le monde adopte fera y venir la MPAA et d'autres à terme, car ils se rendront compte qu'ils ont besoin d'aller là où sont les gens, même si ça n'est pas verrouillé par des restrictions et des serrures. Faire venir la MPAA dans le processus continue de perpétuer cette idée que nous devrions construire une plate-forme qui permette à l'industrie du divertissement de diffuser un message aux consommateurs, plutôt que de construire une plate-forme pour que les créateurs de toutes sortes puissent communiquer et partager".

Même s'il est très influent, notamment de par ses liens incestueux avec la Maison Blanche, la MPAA devra toutefois composer avec les 391 membres que compte le W3C. 


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