Marié à une lobbyiste du cinéma, Arnaud Montebourg a publié un long texte pour justifier son abstention lors du vote de la loi Création et Internet. Le député se dit favorable aux sanctions contre le téléchargement, et hostile à une licence globale.

C’était la surprise du jour. Le député Arnaud Montebourg, personnalité importante du Parti Socialiste, a décidé mardi de s’abstenir lors du vote du projet de loi Création et Internet, alors que le PS avait appelé à voter contre. Contrairement à ce que pourraient prétendre les mauvaises langues, le fait que son épouse Hortense de Labriffe soit déléguée générale de l’Association des Producteurs Indépendants (API), et de l’Union des Cinémas (UniCiné), deux lobbys du cinéma, est étranger à cette décision.

Tout du moins, Arnaud Montebourg n’en fait pas mention.

« J’ai fait le choix en conscience de ne pas voter contre ce texte. Cela ne veut pas dire que j’approuve ses dispositions puisque les conditions concrètes dans lesquelles les sanctions sont organisées contre le piratage sur Internet me paraissent d’ores et déjà rendues caduques par l’évolution législative du droit européen« , affirme le député sur son site Internet. « Cependant, faire croire à la jeunesse que l’accès à la culture, à la musique comme au cinéma, pourrait avoir une chance d’être gratuit est une profonde erreur« .

« Nous avons besoin d’artistes pour créer (…) Nous avons aussi besoin d’une industrie même si elle a eu des comportements abusifs et lourdement critiquables. Je pense surtout au cinéma qui est une industrie de prototypes où chaque film est à la fois un risque pour ses producteurs d’être ruinés et de ne pas pouvoir donner vie à d’autres films. C’est une industrie que nous ne pouvons pas prendre le risque de voir disparaître en la privant des centaines de millions d’euros dont elle a besoin pour continuer à être créative. C’est une industrie qui fait d’ailleurs vivre des dizaines de milliers d’intermittents du spectacle sur le sol national et qui participe au rayonnement de la création française dans le monde. »

« Aux Etats-Unis comme en France, la gratuité de l’information n’a produit que de la faillite pour de grands journaux nécessaires à la démocratie, pendant qu’elle ne permettait même pas aux journaux gratuits de gagner leur vie. Il en va de même en matière de création musicale et artistique« , assure Arnaud Montebourg, qui oublie que de nombreux sites Internet (au hasard Numerama) se sont montés grâce à la gratuité, et en vivent relativement bien. Ce qui est le cas aussi d’artistes de la musique libre.

Alors que le Parti Socialiste défend l’idée de taxer les FAI pour alimenter une « contribution créative » à destination des créateurs, le député assure que « chacun sait qu’une taxe forfaitaire appelée  » licence globale  » ou  » contribution créative  » ne peut pas suffire à compenser la nouvelle gratuité du téléchargement généralisé. Il s’agit là d’une erreur de calcul dont notre industrie pourrait ne pas se remettre : là où cette industrie a besoin de centaines de millions, la taxation de la consommation culturelle n’en rapporterait que quelques pauvres dizaines« . Selon un calcul de Patrick Bloche, la contribution créative pouvait pourtant rapporter environ 400 millions d’euros par an.

« Je considère que la question des sanctions, dès lors qu’est maintenu le principe de l’illégalité du téléchargement est une nécessité« , résume le député. « Les sanctions sont une nécessité dans une société. Il suffit qu’elles soient proportionnées et justes. Je ne suis pas certain que celles d’HADOPI le soient, telle est la raison pour laquelle je ne veux pas soutenir ce texte. »

« Mais qu’il me soit permis de penser sincèrement qu’aucun gouvernement ne peut aujourd’hui légaliser le piratage car tout un chacun en regretterait amèrement les conséquences, y compris les internautes qui n’auraient tôt ou tard plus grand chose de notre culture nationale à télécharger sur Internet« , conclut-il.

Omnibulé par l’arbre centenaire qui se meurt devant lui, Arnaud Montebourg ne voit pas la forêt de jeunes pousses qui s’élèvent derrière lui…


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