Le député Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, va présenter un amendement au projet de loi audiovisuel qui prévoit de donner au CSA des pouvoirs de contrôle sur les sites Internet de partage de vidéos et d’information, qui seront taxés au bénéfice des producteurs de télévision et de cinéma. Il veut également labelliser les sites qui respectent les réglementations du CSA, et bloquer les autres sites grâce aux filtres imposés chez les abonnés à Internet par la future Hadopi. Explications.

Le député et porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre, organisateur des très discrètes Assises de la Création, vient de jeter un nouveau pavé dans la mare d’Internet. Alors que s’ouvre cette semaine à l’Assemblée Nationale le débat sur le projet de loi audiovisuel, le député propose un amendement qui réussit l’exploit de concentrer à lui seul tout ce que les internautes et les professionnels du net peuvent redouter de pire : une taxation de la création amateur au profit de la création professionnelle, un contrôle de la morale publique sur les médias numériques, et la création d’un label de bonne moeurs pris en charge par les dispositifs de filtrage que souhaite imposer la future Hadopi.

Une taxe sur les vidéos privées au bénéfice des producteurs professionnels :

L’amendement présenté par Frédéric Lefebvre prévoit de créer une « contribution des éditeurs de services au développement de la production« , qui sera versée notamment par les sites web 2.0 comme Dailymotion, YouTube, WAT ou Kewego. « Cette contribution est notamment applicable dans le cas où (…) le service consiste soit à éditer du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt, soit à assurer, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le seul stockage de signaux audiovisuels fournis par des destinataires de ces services« , peut-on lire dans l’amendement. La contribution sera déterminée par décret en fonction, précise M. Lefebvre, de la proportion des contenus audiovisuels dans le service concerné.

Un contrôle de la morale publique sur les médias numériques :

Il est prévu par l’amendement de donner au CSA compétence pour « veiller à la protection de l’enfance et de l’adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par (les sites web 2.0)« . Selon Frédéric Lefebvre, qui explique les raisons de son amendement, « la présence des images qui défilent sur les écrans les plus divers n’a jamais été aussi importante dans notre environnement. Ce déferlement visuel va de pair avec une grande facilité d’accès aux images alors même que certains contenus audiovisuels véhiculent un climat de violence, d’agression et banalisent la sexualité et la pornographie. »

« Les jeunes, grands utilisateurs d’écran, sont ainsi régulièrement exposés à ces images et gèrent cette consommation d’autant plus seuls qu’ils circulent dans ce flot d’images avec beaucoup plus d’aisance que leurs parents, souvent démunis face aux nouvelles technologies.« 

Le député veut donc donner au CSA la possibilité de fixer des règles de signalétique des contenus vidéo, similaires à ce qui est pratiqué à la télévision, avec la mise en place d’une « politique de labels permettant d’établir une appellation  » famille  » pour les services qui assurent la sécurisation et la protection des mineurs« .

Il faut rappeler que si le Conseil surpérieur de l’audiovisuel a été créé pour contrôler le respect d’une certaine morale publique sur les ondes de télévision ou de radio, c’était dans un contexte technologique particulier qui imposait un tel contrôle. En effet, les ondes hertziennes utilisées par les radios et chaînes de télévision sont un bien public, dont la ressource est limitée, qui doit donc être administré pour le bien du plus grand nombre. En échange d’une autorisation d’exploiter une partie de la ressource publique, les exploitants s’engagent envers la collectivité à respecter un certain « code de bonne conduite » et des obligations de programmation. Mais Internet n’utilise pas de bien public, et sa ressource est illimitée. Les exploitants n’ont pas en principe d’obligation envers la collectivité puisque la collectivité ne leur fait a priori aucune faveur particulière. Faut-il, dans ce nouveau contexte social et technologique, continuer à imposer un code de bonne conduite et de morale publique ? Le débat est ouvert.

Un label renforcé par les dispositifs de filtrage

Enfin, l’amendement prévoit que le CSA « délivre un label aux services de communication au public en ligne mettant des contenus audiovisuels à disposition du public qui s’engagent à assurer la protection de l’enfance et de l’adolescence dans les conditions définies par le Conseil« . Il précise que « ces labels doivent être pris en compte par les moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services« .

Or il n’échappera pas au lecteur attentif de Numerama que le projet de loi Création et Internet vise, par la Haute Autorité chargée de mettre en œuvre la riposte graduée, à imposer dans tous les foyers ces « moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services« . Ensemble, cet amendement et l’Hadopi obligeront les abonnés à Internet à installer des filtres qui leur coupera l’accès aux sites qui n’ont pas reçu le label du CSA. Lequel label pourra ensuite être étendu aux sites de presse qui ne sont pas animés par une équipe de journalistes professionnels, comme l’avait souhaité Renaud Donnedieu de Vabres.

Sans l’Hadopi qui établira la liste des filtres réputés efficaces contre le piratage, le dispositif de labellisation restera purement théorique. Les labels seront peut-être décernés, mais ne seront pas respectés par les utilisateurs. Or avec l’Hadopi, le gouvernement a trouvé le moyen parfait d’obliger les internautes à respecter les labels. C’est ce qui explique l’attachement du gouvernement et de Nicolas Sarkozy à la loi Création et Internet.


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