Les documents internes de Facebook leakés par Frances Haugen révèlent une donnée insolite : au Cambodge, les utilisateurs utilisent beaucoup (beaucoup) moins le clavier numérique pour échanger sur Messenger, que dans d’autres pays du monde. Résultat : ils utilisent énormément les vocaux.

Certaines personnes y voient le summum de la simplicité. D’autres un désagréable rappel de la période où les messages sur répondeur étaient un passage obligé. La possibilité d’envoyer des notes vocales qu’offrent beaucoup de messageries instantanées suscite souvent, en tout cas, un avis tranché. Dans cette petite bataille d’usages, le Cambodge a visiblement choisi son camp. Comme le révèle le 12 novembre un article de Rest of World, parmi les documents Facebook que la lanceuse d’alerte Frances Haugen a leaké, se trouve une donnée insolite : 50 % de toutes les notes vocales de Messenger générées dans le monde entier sont issues de ce pays à lui seul.

Cette disproportion énorme a, pendant un temps, constitué un vrai mystère pour le groupe Facebook, récemment rebaptisé Meta. Pourquoi la population cambodgienne prise-t-elle tant cet outil ? Une partie des habitants ont-ils des difficultés à utiliser le clavier, faute d’un niveau d’alphabétisation suffisant ?

Le nouveau logo Mesenger  // Source : Facebook

Le nouveau logo Mesenger

Source : Facebook

Les claviers numériques sont peu adaptés à la langue khmère

La réponse est en fait tout autre, explique Rest of World. Si les citoyens et citoyennes du Cambodge apprécient tant les notes vocales de Messenger, c’est lié au fait que les claviers numériques sont des outils peu adaptés à l’ alphabet d’une langue telle que le khmer. L’alphabet khmer compte en effet plus de 70 caractères. Résultat, les claviers numériques n’affichent pas l’intégralité des lettres : chaque touche en propose deux différentes, ce qui nécessite des manipulations fastidieuses pour taper les phrases voulues.

Cette histoire nous rappelle opportunément à quel point des technologies assez abouties dans une partie du monde, peuvent ne pas être adaptées aux besoins d’une autre. Même si les constructeurs se penchent de plus en plus sur l’accessibilité (iOS propose de nombreuses options dans ce domaine, tout comme Android), il y a encore une grande marge de progrès possible pour rendre le monde en ligne adapté aux personnes ayant un handicap.

Les outils Facebook sont moins performants dans certains pays

De la même manière, les progrès spectaculaires que l’IA a permis dans la reconnaissance et le traitement du texte ou de la voix (pour la traduction, le sous-titrage ou la saisie vocale par exemple) sont souvent bien moins impressionnants, si l’on choisit une autre langue que l’anglais.

Les évolutions se font de manière d’autant plus différenciée que les entreprises de la tech n’investissent pas de la même manière sur chaque profil d’usagers. D’autres documents internes de Facebook leakés par Frances Haugen montrent, par exemple, que le groupe Facebook consacre un budget moins important à la modération des contenus haineux ou mensongers dans certaines zones du monde, même si ceux-ci peuvent poser de vrais risques sociétaux et politiques.


Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.