Le ministre des Armées Sébastien Lecornu annonce un plan pour le quantique de défense, avec une enveloppe de 250 millions d’euros et deux grands axes d’action. Il prévient que la France ne doit manquer le coche au regard des grands chamboulements qui se préparent.

C’est un discours prononcé en clôture de la conférence France Quantum, qui a sonné comme un avertissement. Les progrès, enjeux et défis liés à la montée en puissance de l’intelligence artificielle, y compris sur le terrain militaire, ne doivent surtout pas masquer d’autres très grands bouleversements à l’œuvre, à commencer par le quantique.

Le quantique est un terme qui désigne des phénomènes et des évènements ayant lieu à l’échelle subatomique. Sur un plan militaire, le ministère le perçoit comme une révolution pouvant bouleverser la défense, avec une magnitude aussi forte que l’atome ou l’IA.

C’est ainsi que Sébastien Lecornu, ministre des Armées, a tenu à insister sur la rupture tout aussi majeure que constitue ce domaine, à ses yeux encore trop souvent ignoré. « On parle très très peu de quantique », a-t-il noté. Or, « ce que va signifier le quantique en général, et en matière militaire en particulier, va sérieusement secouer », a-t-il lancé à son auditoire.

Le quantique va renverser la table en matière de défense

Un exemple frappant a été esquissé : « Quand vous commencez à parler de détection sous-marine de masse métallique, je ne vous fais pas de dessin sur ce que ça peut vouloir dire en matière de remise en cause d’un certain nombre d’opérations ou en tout cas même de posture que nous pouvons avoir, y compris sur les choses les plus sensibles et les plus délicates. »

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Un sous-marin nucléaire lanceur d’engins français. // Source : Marine nationale

La sortie de M. Lecornu fait notamment allusion à la composante océanique de la dissuasion nucléaire française, dont l’efficacité opérationnelle tient en particulier à sa dilution sous l’eau. Les sous-marins cherchent à se cacher des regards indiscrets. Or, une hypothétique détection quantique viendrait remettre en cause tout l’édifice de la posture nucléaire.

Au-delà de ce scénario du pire, le quantique est perçu comme un game-changer pour trois raisons : des capteurs quantiques capables de détecter l’invisible, du calcul quantique pour résoudre l’inaccessible et, enfin, des communications quantiques pour des liaisons ultra-sécurisées (comme pour le projet de réseau satellitaire souverain IRIS²).

L’affaire est donc très sérieuse. D’où plusieurs annonces faites dans l’enceinte de Station F, à Paris, où se tenait France Quantum. Ces mesures, réunies dans un plan pour le quantique de défense, piloté par la direction générale de l’armement (DGA), doivent permettre de poursuivre, accélérer et structurer la montée en puissance de la France sur le terrain militaire.

Sébastien Lecornu
Sébastien Lecornu, en avril 2025. // Source : ΝΕΑ ΔΗΜΟΚΡΑΤΙΑ

Deux axes d’action pour le plan quantique

Le plan s’articule pour l’heure autour de deux axes :

D’abord, la création d’un campus dédié à partir de septembre 2025, pour fédérer la communauté des spécialistes du quantique autour de ces enjeux de défense et de souveraineté, et rapprocher les armées, les startups, les universitaires, les industriels et les financeurs. Une ouverture large, qui doit aussi servir au foisonnement des idées.

Le campus sera déployé sur plusieurs sites, dont l’École polytechnique, d’ici à 2027. Pour ce campus, l’objectif sera « d’analyser les menaces et les opportunités pour les prendre en compte dans l’architecture de notre système de défense, mais aussi définir des cas d’usages dans le domaine du calcul quantique », précise le ministère des Armées.

Par ailleurs, un laboratoire est prévu, supervisé par l’Agence de l’innovation de défense, une structure dépendante de la DGA. Ici, il s’agit d’évaluer les capacités offertes par le quantique pour les armées. En somme, « mener la recherche et le développement (R&D), avec pour objectif l’arrivée rapide de premiers essais », selon M. Lecornu.

Attendu pour la fin de l’année, le laboratoire sera dédié au calcul quantique et devra « permettre l’identification de nouvelles capacités permises par le calcul quantique, la réalisation de preuves de concept, la comparaison de différentes solutions vis-à-vis du calcul classique et, enfin, la participation à des activités de recherche avec des partenaires d’excellence. »

Des projets en cours, dont des prototypes de calculateurs quantiques

La France ne part toutefois pas de nulle part sur ce terrain. La DGA a déjà mené des investissements sur le quantique depuis vingt ans, et suit des projets comme Proqcima (2 prototypes de calculateur quantique, d’ici l’horizon 2030-2032) et Girafe 2, un gravimètre quantique marin, basé sur la technologie des atomes froids.

Le ministère cite aussi un processeur quantique universel et tolérant aux erreurs (projet Ultracat), des démonstrateurs d’horloges atomiques (mesure du temps), des magnétomètres (maintien de cap pour la navigation) et des analyseurs de spectre radio fréquence (détection électromagnétique/guerre électronique).

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La France planche sur des projets divers en matière de quantique. // Source : NIPlot

L’argent étant le nerf de la guerre, le plan pour le quantique de défense est doté de 250 millions d’euros pour couvrir la période de l’actuelle loi de programmation militaire, qui couvre les années 2024-2030. Un montant que l’on pourrait considérer comme relativement modeste, au regard des bouleversements mentionnés par le ministre.

Une somme qui pourrait être revue à la hausse à l’avenir, surtout si le budget militaire de la France connait une augmentation dans les mois à venir. On évoque un objectif à 3 ou 3,5, voire 5 % du PIB pour la défense, contre 2 % aujourd’hui. Ce serait un bouleversement pour les armées, mais une quadrature du cercle à résoudre pour le gouvernement, alors que la France est en lourd déficit.

Le ministre des Armées, lui, met toutefois en garde, alors que ces débats sur les finances publiques sont toujours en cours : « Comme l’atome en son temps et l’intelligence artificielle, il marquera une rupture entre les États capables et ceux qui n’auront pas su le faire : nos compétiteurs ne nous attendent pas. »

Source : Anton Maksimov 5642.su

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