Les piqures de moustique représentent une nuisance dont on se passerait volontiers. Adapter les couleurs que l’on porte pourrait-il éviter de se faire piquer ? La biologiste Cassandra Edmunds explore cette piste dans The Conversation.

Indéniablement, se retrouver couvert de piqures de moustiques vient rapidement gâcher une agréable soirée d’été. Mais plus qu’une simple nuisance, les moustiques sont aussi les créatures les plus mortelles sur Terre, en raison des maladies qu’ils propagent.

De nombreuses recherches visent à comprendre leurs comportements et leurs préférences en matière de proie. On sait ainsi que la vision constitue un sens important chez les insectes piqueurs, règle à laquelle les moustiques n’échappent pas. Bien qu’ils ne se fient pas uniquement à ce qu’ils voient, l’odorat et la température s’associent aux indices visuels pour les aider à localiser un hôte.

Des recherches antérieures avaient cherché à établir un lien entre des couleurs particulières (ou les longueurs d’onde de la lumière que nous percevons comme des couleurs distinctes) et le comportement de recherche d’hôtes des moustiques. Les résultats n’avaient toutefois pas été concluants, la même espèce ayant montré des préférences pour des couleurs différentes.

Une étude récente, publiée en février 2022 dans la revue scientifique Nature Communications, est la dernière en date à explorer l’attirance des moustiques pour différentes couleurs. Cette recherche pourrait-elle nous aider à éviter d’être piqués en adaptant simplement les couleurs que nous portons ? Voyons voir.

Les chercheurs ont mené une série d’expériences sur trois espèces de moustiques vecteurs de maladies : principalement Aedes aegypti, mais aussi Anopheles stephensi et Culex quinquefasciatus.

Dans l’une de leurs expériences, ils ont utilisé une soufflerie équipée de caméras pour suivre les trajectoires de vol des moustiques. Un tunnel a été conçu pour les encourager à se comporter le plus naturellement possible.

Sur le sol du tunnel se trouvaient deux petits points colorés, l’un représentant la couleur (longueur d’onde) recherchée et l’autre le témoin (blanc). Certains des échantillons de couleur ont été choisis pour imiter différents tons de peau, dont un représentant la couleur d’une lotion de bronzage.

Chez les moustiques, seules les femelles piquent, car la plupart des espèces ont besoin d’un repas de sang pour achever le processus de reproduction. On a donc libéré 50 moustiques femelles, accouplées mais non nourries, dans la soufflerie, où elles chercheraient naturellement un hôte.

Au bout d’une heure, du dioxyde de carbone (CO2) a été libéré dans la soufflerie. Le CO2, exhalé par les humains et les autres mammifères, est inodore pour nous : mais les moustiques peuvent le sentir et utilisent cette odeur pour les guider vers une source de sang.

Voir rouge

Avant la libération du stimulus olfactif, les moustiques Ae. aegypti ont largement ignoré les cercles colorés sur le sol, explorant plutôt le plafond et les parois du tunnel. Mais une fois que le CO2 a été introduit, ils ont commencé à étudier les cercles colorés, en particulier lorsque la longueur d’onde est passée de 510 nanomètres (nm) à 660 nm.

Ces longueurs d’onde plus grandes représentent des couleurs dans les extrémités orange et rouge du spectre, bien que les moustiques Ae. aegypti aient été davantage attirés par le rouge, puis le noir. Il est à noter que ces longueurs d’onde de l’orange au rouge sont les mêmes que celles émises par les tons de la peau humaine. Le bleu, le vert et le violet n’attiraient quant à eux pas plus les moustiques que le témoin.

Lorsque les points de couleur de peau ont été utilisés, ils attiraient davantage les moustiques que le contrôle, mais aucune préférence n’a été observée pour une couleur de peau particulière.

Des expériences antérieures ont révélé que les moustiques sont plus attirés par des couleurs contrastées, par exemple un motif en damier, que par une couleur unie. Les chercheurs ont également montré aux moustiques différents points sur des fonds identiques et contrastés. Les Ae. aegypti étaient plus intéressés par les points présentant un contraste élevé avec le fond. Les scientifiques pensent que cela aide les moustiques à distinguer un objet (personne) du fond, même en cas de faible luminosité. Le contraste a ainsi joué un rôle plus important pour attirer les moustiques que la couleur elle-même.

Un moustique en train d'accomplir son méfait. // Source : Pixels (photo recadrée)
Un moustique en train d’accomplir son méfait. // Source : Pixels (photo recadrée)

Comme pour Ae. aegypti, An. stephensi était attiré par le noir et le rouge, avec peu d’intérêt pour les longueurs d’onde inférieures. Cx. quinquefasciatus a montré un intérêt pour le violet/bleu et le rouge (de manière intéressante, les extrémités opposées du spectre testé).

Les chercheurs ont par ailleurs mené une expérience distincte dans des cages à insectes afin d’explorer l’attirance des moustiques pour des teintes de peau réelles. Six volontaires de différentes origines ethniques ont été recrutés pour participer à ce test. Le témoin était un gant blanc placé dans une fenêtre et les mains des volontaires étaient tenues une à une dans l’autre fenêtre pour voir si les moustiques étaient attirés par une couleur de peau particulière.

Il est apparu que ces derniers étaient plus attirés par les mains que par le gant blanc : mais comme pour les points, il n’y avait pas de préférence pour une couleur de peau particulière.

Que conclure de tout cela ?

Cette étude met en évidence que les moustiques sont attirés par les couleurs de la peau humaine, mais seulement en présence de CO2, ce qui suggère que l’odeur de la respiration d’un humain ou d’un mammifère peut servir d’indice initial. Cela confirme une recherche précédente qui dévoilait que le CO2 attire les moustiques.

Les chercheurs ont en outre constaté que la couleur et le contraste étaient des facteurs importants pour Ae. aegypti qui a révélé une préférence pour le rouge, puis le noir. Les An. Stephensi se sont quant à eux montré intéressés par des couleurs similaires à celles de Ae. aegypti, bien que préférant le noir au rouge. Pendant ce temps, Cx. quinquefasciatus était attiré par différentes couleurs.

Comme l’ont reconnu les chercheurs, leurs expériences n’ont pas tenu compte de certains autres facteurs qui influencent le choix de l’hôte par les moustiques. Notamment des substances chimiques libérées par la peau humaine, de la température de la peau et de la sueur présente sur la peau. Il serait instructif d’inclure ces facteurs aux expériences futures.

Qu’est-ce que cela signifie pour nous qui ne voulons pas nous faire piquer ? Vous pouvez essayer de porter du blanc, du bleu ou du vert et éviter le noir, le rouge et l’orange. Évitez absolument les motifs à carreaux rouges et noirs.

Si le fait d’adapter ses vêtements peut réduire le risque de se faire piquer, rien ne garantit que ce sera le cas ni que ce sera efficace, compte tenu notamment de la variation apparente des préférences en matière de couleurs entre les espèces. Mais ces résultats suggèrent qu’avec davantage de recherches, la couleur pourrait devenir un levier de contrôle des moustiques.The Conversation

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Cassandra Edmunds, Lecturer in Forensic Biology, Bournemouth University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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