Depuis que le nouveau coronavirus est né dans la ville de Wuhan, c’est essentiellement en Chine que l’épidémie Covid-19 est virulente. Sur les 73 000 personnes infectées ce 18 février 2020, plus de 59 000 sont dans la province chinoise centrale de Hubei. Les autorités sanitaires font face à plusieurs défis pour contenir la propagation : sa haute contagiosité (même chez des personnes asymptomatiques), ses premiers symptômes proches de toute grippe hivernale, sa nouveauté.
Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé venant remplacer Agnès Buzin en pleine crise, déclarait à ce sujet sur France Inter que « la Chine a une capacité de réactivité. Elle a pris ses responsabilités en prenant des mesures de confinement très rapidement. Je ne suis pas sûr qu’il serait possible de réaliser ça dans un pays où les réseaux sociaux seraient ouverts ». En creux de cette remarque, on peut poser un questionnement : la structure politique autoritaire, caractérisée entre autres par peu de transparence dans l’information, a-t-elle finalement bénéficié à une meilleure gestion de cette crise sanitaire ? La réponse des épidémiologistes est non.
Le manque d’information a « sapé une réponse rapide »
La réactivité de la Chine, mettant tout en œuvre pour contenir l’épidémie Covid-19, a été largement saluée. L’OMS a affirmé que le pays a établi « une nouvelle norme en matière de réponse à une épidémie ». Les autorités ont rapidement fermé et décontaminé le marché aux animaux de Wuhan, lieu le plus probable d’émergence de l’épidémie. Puis le pays s’est distingué par des mesures de quarantaine à grande échelle. Plus de 50 millions de personnes ont été confinées dans la région de Hubei avec de nombreuses mesures restrictives. L’installation d’un hôpital de 1 000 lits en 10 jours, en mobilisant 7 000 travailleurs (dans des conditions un peu floues), avait également beaucoup attiré l’attention en Occident. Enfin, la Chine a aussi lancé une app pour savoir si l’on est peut-être infecté, et elle basée sur la surveillance de masse dans le pays.
« Ces mesures reflètent un niveau de contrôle dont seuls les gouvernements autoritaires disposent », relève la revue médicale britannique The Lancet. Mais l’auteur de cette étude, Matthew M Kavanagh, indique que cela donne une fausse impression des avantages et inconvénients d’un régime autoritaire dans un tel contexte. « La politique de l’information en Chine a sapé une réponse rapide à l’épidémie », écrit l’auteur. Il s’avère en effet que l’épidémie a émergé début décembre 2019. Il s’est passé un mois entre le détection d’un possible nouveau coronavirus et la déclaration de son existence auprès de l’OMS par la Chine.
Durant la période pourtant déterminante du début de l’épidémie, tous les canaux de communication à ce sujet ont été restreints, voire coupés, les cliniciens voulant alerter le public ont été menacés de sanctions. Cette absence de transparence a empêché les autorités locales d’adopter des mesures préventives qui auraient permis de ralentir bien davantage la propagation. Tout aussi grave, les citoyens n’ont eu que des informations partielles pendant le mois de janvier : la transmission interhumaine n’a été rendue publique qu’à la fois du mois alors qu’elle était déjà connue. Résultat, quand la quarantaine a été mise en place le 23 janvier 2020, cinq millions de personnes avaient déjà quitté le territoire pour partir en vacances.
Si la Chine a bel et bien pris des mesures de grande ampleur, le régime n’est pas tant que cela à féliciter. À la question de savoir si le modèle autoritariste a pu apporter le moindre avantage dans cette gestion, l’auteur dans The Lancet répond donc par la négative : la politique autoritaire a empêché de limiter la crise. La présence de médias d’opposition mais aussi la circulation d’informations, notamment via les réseaux sociaux, est plutôt bénéfique en cas de crise sanitaire. Leur censure a été un problème pour Covid-19, tant l’information est précieuse pour bien gérer une épidémie. « En matière de renforcement des capacités de prévention, de détection et de réaction aux épidémies, l’ouverture démocratique et l’existence d’oppositions semblent être plus un atout qu’une inadéquation », conclut Matthew M Kavanagh.
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