Des scientifiques ont mis au point une « peinture vivante » basée sur des bactéries très particulières. Ce revêtement peut produire de l’oxygène, capturer du CO2. Une innovation utile pour d’éventuels habitats sur Mars, et même pour l’avenir terrestre proche.

Si vous voulez habiter sur Mars, vous serez confrontés à bien des obstacles. Il n’y a pas que les roches extrêmement coupantes, l’absence d’eau et de nourriture : ne pas pouvoir respirer est un — évident — problème. Si les agences spatiales travaillent sur toute une panoplie de solutions, l’une d’entre elles est assez inattendue : Chroococcidiopsis cubana.

C’est le nom d’une bactérie. On ne la trouve pas n’importe où sur Terre. S’il y a un environnement extrême où la vie semble impossible, Chroococcidiopsis cubana est probablement dans le coin. En particulier dans le désert aride ou dans les profondeurs rocheuses. Grâce à elle, une équipe de scientifiques vient de mettre au point un revêtement innovant — une forme de peinture — capable d’émettre de l’oxygène tout en réduisant la quantité de dioxyde de carbone (en le capturant) dans l’air environnant.

Une « peinture vivante » qui produit de l’oxygène et capture du CO2

Les scientifiques ont réussi à en faire une « biopeinture » ou, en clair, une peinture vivante, car basée sur des microorganismes. Ils l’ont baptisée Green Living Paint. Les bactéries Chroococcidiopsis cubana y sont incorporées par couches successives, ce qui n’est pas un petit défi : il faut que la peinture soit robuste, mais sans utiliser d’ingrédients susceptibles de tuer ou de nuire aux bactéries. Les auteurs ont mélangé du latex et de particules d’argile nanométriques, afin d’obtenir une texture poreuse, permettant la circulation et l’hydratation des organismes, mais cependant solide.

Les Chroococcidiopsis, vues au microscope. // Source : Université de Surrey
Les Chroococcidiopsis, vues au microscope. // Source : Université de Surrey

Le résultat est fonctionnel : les bactéries, au sein de ce revêtement, produisaient 400 grammes d’oxygène pour un kilogramme de peinture, chaque jour, tout en capturant du CO2. C’est insuffisant pour assurer la survie d’une base ou même d’un module, mais chaque gramme de pris joue un rôle décisif. Surtout sur le temps long et, en l’occurrence, l’activité des bactéries est restée constante tout au long de l’expérience, qui a duré un mois. Les chercheurs ont tenté de reproduire la formule avec d’autres microorganismes similaires, mais cela ne marchait pas : ils ne produisaient pas de l’oxygène une fois intégrées à ce revêtement.

« Les Chroococcidiopsis photosynthétiques ont une capacité extraordinaire à survivre dans des environnements extrêmes, comme les sécheresses et après une forte exposition aux rayons UV. Cela en fait des candidats potentiels pour la colonisation de Mars », explique Simone Krings, autrice principale de ces travaux. Comme ces bactéries sont extrémophiles, habituées aux conditions chaudes et sèches, elles ne consomment que très peu d’eau et n’ont pas besoin de beaucoup de lumière pour procéder à leur photosynthèse.

Comme souvent, les recherches dédiées à un habitat potentiel sur Mars peuvent trouver une mise en application plus immédiate aux enjeux terrestres. « Avec l’augmentation des gaz à effet de serre, comme le CO2 dans l’atmosphère, et les inquiétudes concernant les pénuries d’eau dues à la hausse des températures mondiales, nous avons besoin de matériaux innovants, respectueux de l’environnement et durables », estime la professeure de bactériologie Suzie Hingley-Wilson, sur le site de l’université de Surrey. « Les biocouches mécaniquement robustes et prêtes à l’emploi, ou ‘peintures vivantes’, pourraient contribuer à relever ces défis en réduisant la consommation d’eau dans les processus à base de bioréacteurs, généralement gourmands en eau. »

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