Cette semaine, le Copyright Madness revient sur la SNCF et une association anti-pub qui se battent pour l’utilisation du mot « oui », la peine de prison avec sursis infligée à un artiste pour avoir dessiné Tintin ou encore une bataille entre vrai-faux inventeur du Bitcoin. Bonne lecture et à la semaine prochaine !
Copyright Madness
Bachibouzouk ! Nous en parlions il y a quelques semaines dans le Copyright Madness. En 2019 en France, on peut risquer de la prison pour avoir dessiné un personnage protégé par des droits d’auteur. Pascal Somon est un dessinateur qui a eu le malheur de rendre hommage à sa façon à Hergé en réalisant des dessins de Tintin dans des situations inédites ou en mélangeant des genres artistiques. Évidemment, Moulinsart qui gère les droits d’Hergé et en particulier l’exploitation de Tintin sous la forme de produits dérivés, a attaqué en justice le dessinateur pour contrefaçon. Le parquet avait requis six mois de prison ferme contre le contrefacteur mais la sentence retenue est légèrement plus clémente. Il n’écope que de 10 mois de prison avec sursis. Ce genre de dérives n’est pas marginal, la société Moulinsart s’est spécialisée dans la traque aux dessins de Tintin. Malheureusement, il faudra attendre 2053 que Tintin entre dans le domaine public pour que chacun puisse librement rendre hommage au reporter.
Laisse béton. Architectes et propriété intellectuelle constituent un combo explosif ! On les savait fort peu attachés à la liberté de panorama, qu’ils considèrent comme un crime de lèse-majesté. Mais certains sont encore plus royalistes que le roi et ne veulent surtout pas que leurs bâtiments bénéficient d’une adjonction esthétique. C’est le cas de l’architecte Gilles Béguin, qui est à l’origine de plusieurs bâtiments situés boulevard Vincent Auriol dans le 13ème arrondissement parisien. Il estime que son droit moral a été bafoué par la mairie quand elle a organisé un projet de grande envergure avec des artistes de rue internationaux. Ils ont repeint une partie des façades de plusieurs immeubles avec la volonté de faire un musée un ciel ouvert que l’on peut apprécier en prenant la ligne 6 du métro. La RIVP, organisme qui gère les immeubles, et la mairie de l’arrondissement déplorent les méthodes de l’architecte. Elles affirment que le projet était engagé depuis plusieurs années et que l’architecte n’avait manifesté aucune opposition au moment de sa genèse. Espérons que la décision du juge ne condamne pas les riverains à la grisaille du béton au nom du droit moral !
Né sous X. Les origines mystérieuses du Bitcoin continuent de faire parler d’elle. Depuis plusieurs années, un certain Craig Wright affirme être le vrai Satoshi Nakamoto, c’est-à-dire la personne qui aurait signé le papier technique original sur la cryptomonnaie, publié en 2008. Wright, propriétaire de la société BitCoin SV, est allé fin mai jusqu’à déposer un copyright sur ce texte pour attester de sa paternité. Le problème, c’est que Wei Liu, un crypto-entrepreneur chinois, a fait de même dans la foulée pour contester cette prétention. Ce micmac permet de constater au passage l’absurdité du système de copyright américain, car le Bureau des brevets n’effectue en réalité aucune vérification. De fait, l’attribution du brevet va à présent permettre à Craig Wright d’attaquer Liu en justice ! En attendant, le cours du BitCoin SV est monté brutalement de 62 à 254 dollars avant de redescendre à 44…
Trademark Madness
Ni-Oui, Ni-Non. Vous connaissez sans doute les étiquettes Stop Pub que l’on peut coller sur sa boîte aux lettres pour éviter (en théorie) qu’elle ne soit remplie de prospectus. Une association a décidé de lancer une alternative,Oui Pub, pour que le système passe sur un mode d’acceptation (opt in) et pas simplement de refus (opt out). Pas idiot sur le fond, sauf qu’ils ont aussi cherché à déposer une marque et c’est la que les ennuis commencent. Car la SNCF en a pris ombrage, à cause de ses trains OUI GO… Nous risquons donc d’assister à une passionnante bataille pour savoir qui peut s’approprier le mot « oui ». Comme ironise l’association sur Twitter, on ne sait pas ce qu’en pense Oui-oui !
FPS. Il y a des gens qui aiment jouer avec le feu et qui parfois se brûlent. 3D Realms, éditeur de jeux vidéo qui s’est rendu célèbre avec des titres comme Duke Nukem ou Max Pain, a lancé en accès anticipé un jeu intitulé Ion Maiden. Cela ne vous rappelle rien ? Les avocats du célèbre groupe de heavy metal britannique Iron Maiden ont de suite perçu une petite ressemblance avec leurs clients et demandent donc 2 millions de dollars au studio ! Ils expliquent aussi que le nom de l’héroïne dans le jeu, Shelly Harrison, ressemble un peu trop à celui de Steve Harris, le bassiste du groupe. Et ils vont jusqu’à noter des similitudes entre la police de caractères iconique employée sur les pochettes des albums du groupe et celle utilisée pour le jeu. Alors c’est sûr que les avocats spécialisés en propriété intellectuelle ont tendance à voir des ressemblances partout, mais il y a peut-être ici un peu anguille sous roche…
Gloriole. Le quaterback Tom Brady de l’équipe des New England Patriots est l’un des sportifs les plus titrés de toute l’histoire du football américain. Il est notamment le seul à avoir remporté six trophées du Super Bowl, ce qui lui vaut attention particulière des fans qui lui ont donné le surnom de « Tom Terrific », en référence à un personnage de dessin animé de la télévision américaine. Brady aime beaucoup ce sobriquet, à tel point qu’il a décidé de le déposer comme marque pour vendre des cartes à collectionner et des vêtements. C’est toujours cocasse de voir des stars déposer comme marques des noms qui leur sont donnés par le public. Et cela risque à Brady de revenir dans cette chronique, car comment va réagir à présent le producteur du dessin animé ? Mais Tom Brady a de la marge, car les supporters lui ont donné une ribambelle d’autres surnoms (Psycho Tom, California Cool, TB-12, the GOAT, etc.) qu’il pourra enregistrer à l’occasion…
Patent Madness
Retour en arrière. Des parlementaires américains sont en train de préparer un avenir sombre pour l’innovation, mais radieux pour les trolls des brevets. Deux sénateurs ont proposé une modification de l’article 101 de la loi sur les brevets qui risque de rendre tout brevetable. C’est déjà ce que font plus ou moins les trolls des brevets, nous direz-vous. Mais au-delà la plaisanterie, la situation est catastrophique parce que la modification prévoit également de rendre caduques les décisions rendues par la Cour suprême des USA, qui était intervenue pour stopper ce type de délire. Cela avait permis d’empêcher la brevetabilité des gènes, des diagnostics médicaux ou certaines inventions mises en œuvre par ordinateur.. Autrement dit, avec cette nouvelle mouture de l’article101, un boulevard s’ouvre sur les dérives où n’importe qui pourra déposer des brevets sur des lois de la nature ou des idées totalement abstraites.
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Merci à celles et ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !
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