Suite d’un jeu oublié, Rage 2 est tout aussi oubliable.

Il y a un peu moins de huit ans sortait Rage, un FPS défouloir inspiré de Mad Max et des œuvres post-incident nucléaire. On ne sait pas trop à quel moment Bethesda s’est dit que ressusciter cette licence en 2019 serait une bonne idée mais toujours est il que nous avons bel et bien un Rage 2 à se mettre sous la dent. Il reprend les piliers de son prédécesseur, en l’occurence un gameplay jouissif et un univers barré.

Rage 2  // Source : Bethesda

Rage 2

Source : Bethesda

Pour faire de Rage l’égal de ses marques phares (Doom, Wolfenstein, Fallout), Bethesda n’a pas hésité à associer id Software et Avalanche Studios. Le premier est connu pour son savoir-faire dans le genre FPS — jeu de tir à la première personne –, le deuxième grâce à son expertise en matière de monde ouvert (la franchise Just Cause, l’adaptation Mad Max). En d’autres termes, Rage 2 a tout pour réussir. Ce serait oublier que, parfois, l’empilement de talents ne suffit pas. Demandez au PSG.

Le jeu sans âme

Rage 2 est un jeu post-nuke comme on en a déjà vu à maintes reprises. La mode du moment consiste à reprendre les fondations de Mad Max (des étendues désertiques peuplés de tribus punkoïdes et de gens étranges) et d’y mettre un maximum de couleurs flashy pour trancher (du rose fluo, si possible). En ressort une direction artistique sans âme et qui condamne les productions post-apocalyptiques au simple rang d’univers WTF et/ou de trip sous LSD. On aurait voulu voir autre chose après Far Cry: New Dawn, qui met lui aussi du fluo partout.

On aurait voulu voir autre chose

D’autant que Rage 2 ne brille pas par la qualité de ses graphismes. Sur les consoles les plus puissantes, les développeurs ont privilégié la fluidité à la définition. Dans les faits, on bénéficie d’un confortable framerate à 60 fps (quelques chutes à signaler tout de même) mais d’un simple 1080p un peu baveux. Sans être très remplis, certains environnements sont inspirés mais, dans l’ensemble, Rage 2 ne provoquera jamais un effet de surprise — aussi bien techniquement qu’artistiquement.

On pourra en revanche difficilement en vouloir à id Software et Avalanche Studios de s’être focalisés sur le framerate, les 60 fps représentant un plus non négligeable pour le gameplay très nerveux. Cet argument ferait presque avaler la pilule.

L’action frénétique

Nul doute possible, Rage 2 est un jeu imaginé par id Software. On y retrouve une prise en main qui rappelle le reboot DOOM. Où l’on dézingue des dizaines d’ennemis à vitesse grand v, sans vraiment regarder sa barre de vie (tant pis si on meurt). Sur ce point, le FPS est une réussite. Non content de reposer sur un feeling des armes appréciable (la puissance du fusil à pompe, la polyvalence du fusil mitrailleur, l’efficacité étonnante du boomerang), Rage 2 force le joueur à se montrer agressif et rapide dans ses décisions, ce qui accentue le rythme. Plus on est efficace, plus on pourra tout dévaster sur son passage, ne laissant que des corps en charpie derrière soi.

Rage 2 force le joueur à se montrer agressif et rapide

Pour se balader dans le monde ouvert, on dispose de plusieurs véhicules à la conduite différenciée (le tank sera plus lent qu’une jeep, même blindée). Sur ce point, on retrouve la patte Avalanches Studios, avec une prise en main typée arcade (soit sans prise de tête). Malgré une direction un peu lourde et une impression de vitesse pas toujours convaincante, les moyens de locomotion se dirigent plutôt bien. Ils sont de toute façon indispensables pour rallier les différents objectifs disséminés sur la carte et parfois écartés de plusieurs kilomètres. Les véhicules sont également une aubaine pour des courses ou des attaques de convois.

En plus du mix entre l’exploration molle et l’action intense, Rage 2 assoit son gameplay sur l’évolution et la personnalisation. De l’arsenal au garage, des accessoires aux compétences spéciales, il est possible de modifier les moyens mis à notre disposition pour tuer ou se déplacer. La progression ne passe pas par des points d’expérience, plutôt des ressources à ramasser au gré des tâches accomplies. id Software et Avalanche Studios ont tellement multiplié les opportunités qu’elles sont perdues dans une interface copieuse à la clarté douteuse. Elle nécessite de s’y perdre plusieurs minutes pour faire le ou les bons choix. Cela veut dire aussi qu’il est nécessaire d’empiler les missions secondaires pour récolter tous les pouvoirs (baptisés Nanotrites) et avoir l’impression d’évoluer.

Rage 2  // Source : Bethesda

Rage 2

Source : Bethesda

Un monde ouvert médiocre

Rage 2 arrête très vite de vouloir raconter une histoire. En résumé, on incarne un — ou une — Ranger, dernier de son rang, alors chargé de mettre fin aux agissements de l’Autorité (entité antagoniste du premier opus). Pour ce faire, on doit lancer une opération spéciale après avoir fait la rencontre de trois personnages clés qui vont donner un petit coup de main. C’est à peu près tout. Cette pauvreté du récit, que l’on retrouve déjà dans les Just Cause, n’aide pas l’immersion. Il y avait pourtant des choses à raconter du côté du Wasteland, où se réunissent plusieurs factions qui se détestent. Les deux studios ont préféré se contenter de rares discussions pour donner du corps à un univers difficile à prendre au sérieux.

Tout transpire le déjà-vu et le déjà-joué

Cette quête pour renverser l’Autorité ne vous occupera pas pendant plusieurs dizaines d’heures. Le schéma est tout tracé et Rage 2 se permet même de reprendre les mécaniques barbantes et détestables des autres jeux du genre (exemple : faire grimper la jauge des généraux en remplissant des objectifs annexes). Tout transpire le déjà-vu et le déjà-joué dans une construction très médiocre en l’absence d’indicateurs narratifs marqués. Heureusement que le gameplay tient la route.

N’attendez pas non plus de Rage 2 des missions qui vous feront bondir de votre canapé. Là encore, on doit composer avec un contenu générique au possible. Là des bases à conquérir, ici des mini-boss à cueillir, entres autres barrages à détruire, arches à découvrir ou encore stations essence à piller… D’une zone à l’autre, les mêmes tâches se déclinent à l’envi et seuls les décors changent — un peu. Ce penchant pour le recyclage ne permet qu’une chose : multiplier les choses vaines à faire dans le Wasteland. Oui, Rage 2 est rempli. Mais, non, Rage 2 n’a rien d’intéressant passés les quelques élans de jouissance autorisés par son gameplay instinctif.

Rage 2 coûte à peu près 50 €.

Le verdict

À trop vouloir en faire, Rage 2 a noyé son excellent gameplay dans un désert de médiocrité. Pas aidé par sa narration à la Just Cause (c’est-à-dire risible) et son architecture à la Far Cry (c’est-à-dire générique), le jeu de Bethesda bâcle sa proposition et ne sera qu’un défouloir comme il y en a déjà tant. 

À l’arrivée, Rage 2 est bien parti pour connaître le même destin que son prédécesseur : vite se faire oublier. Un univers acide et une prise en main généreuse ne font pas tout. Associer deux studios spécialistes non plus. Et le monde (ouvert) ne suffit pas. 

 

Nouveauté : Découvrez

La meilleure expérience de Numerama, sans publicité,
+ riche, + zen, + exclusive.

Découvrez Numerama+

Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !