De petite série promise à un succès limité à tête d’affiche et machine à abonnements, Stranger Things subit un regrettable coup de rabot artistique. Toujours délicieuse, la série tombe toutefois dans de nombreux écueils. Critique (sans spoiler).

Il y a plus d’un an — en plein été car Netflix n’y croyait qu’à moitié — Stranger Things prenait de court le petit monde de la télé.

Son pari était pourtant risqué : un casting composé d’une ribambelle de gamins sans expérience et peu de têtes d’affiche, des réalisateurs sans reconnaissance et un pitch un rien débile, qui voulait faire de l’horreur mais pas trop. Toutefois, le succès fut colossal.

Stranger Things 2 / Netflix

Stranger Things 2 / Netflix

Il n’y a qu’une petite poignée de séries Netflix qui jouissent d’une pareille audience : House of Cards, Narcos, OITNB. Par ailleurs, les critiques sont alors dithyrambiques, Internet est obsédé, et Netflix réalise des records d’abonnements. Il y a bien quelques vieux sages qui bougonnent que la série plagie et entretient un sentiment avilissant de nostalgie, le raz-de-marée finit par les emporter — à raison. Indubitablement, Stranger Things était la révélation TV de l’année passée.

Une rivière de billets

Le géant du streaming a dû revoir en conséquence ses ambitions pour la production de la deuxième saison : une sortie en grande pompe à l’automne, un budget surdimensionné et une pression inouïe sur les frères Duffer qui ne pouvaient plus se permettre de tuer une Barb en quelques minutes.

En moyenne, pour chaque épisode, Netflix a ajouté 2 millions de dollars par rapport à la saison précédente. Il suffit de regarder une dizaine de minutes du Stranger Things 2  pour s’en convaincre : courses-poursuites, Upside Down grandiose, décors à couper le souffle et accessoires en nombres vertigineux. Visuellement, la nouvelle saison croule sous le fric.

Stranger Things 2 / Netflix

Stranger Things 2 / Netflix

À un point qu’elle n’est pas sans rappeler sa lointaine cousine, Game of Thrones, dont chaque saison coûte à HBO aussi cher qu’un blockbuster. Une cousine dont elle partage désormais les défauts : une créativité réduite, des personnages immobilisés dans leur carcan et une obsession pour le fan service que nous dénoncions lors de la septième saison du coûteux spectacle du network concurrent. Et en effet, Stranger Things 2 manque d’inspiration et de liberté : les vœux des fans y sont exaucés et les personnages vont là où on les attend, le tout gratiné aux images de synthèse.

Visuellement, la nouvelle saison croule sous le fric

La réalisation est meilleure, la qualité des effets est quasi inégalée au petit écran, mais ce qui faisait de la première saison une bonne série a disparu. Les deux derniers épisodes de cette itération pourraient même faire un bon blockbuster de Noël, avec un montage très efficace et une bande-son étonnamment banale (Time after Time vraiment ?). Mais le charme obscur, puéril et arty de 2016 s’est évaporé.

David Harbour, Stranger Things 2 / Netflix

Stranger Things 2 / Netflix

La pauvreté de cette saison pourrait se résumer aux personnages de Jonathan et de Joyce : l’un était passionnant et indéfini lors de la saison dernière, un gamin triste bercé par les Smith devenu fade et filant un arc narratif que tous les fans avaient prédit, quand l’autre répète absolument tout ce qui avait fait son originalité et son brio —  qui sont réduits de facto.

Plus gros cast, effets spéciaux titanesques, certes, mais avec une recette qui louche gravement sur les plus mauvais côtés de Game Of Thrones et une inventivité au chômage technique. Les Duffer ne font par ailleurs plus que citer Carpenter et Spielberg, ils s’autocitent désormais et Stranger Things 2 apparaît comme la version Deluxe du premier jet.

Stranger Things 2 / Netflix

Stranger Things 2 / Netflix

Mais tout comme Game Of Thrones, la série fait beaucoup de bien, le casting est particulièrement réjouissant et l’ensemble fond dans la bouche comme une gaufre Eggo. Tout n’est pas noir, c’est seulement moins bien et plus clinquant. More of the same, en somme : difficile d’être déçu… ou surpris.

Source : Montage Numerama

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.