Chaque week-end, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine, le Copyright Madness revient sur plusieurs batailles de chiffres, avec d’un côté des pirates toujours plus nombreux en Suède, les tenants de la lutte anti-piratage en France qui essaient de nous faire croire à une baisse du téléchargement illicite et une étude scientifique japonaise qui montre que le piratage boosterait les ventes de certains mangas. De quel côté sont les fake news dans tout ça ? Mystère… ;-) ! Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Carton plein. Une récente étude montre qu’en Suède les gens n’ont pas de scrupules à consommer des contenus audiovisuels de façon illégale. La moitié des 15-24 ans déclare avoir téléchargé des contenus piratés, dont 70 % des garçons âgés de la même tranche d’âge. D’après les responsables de l’étude, le téléchargement illégal n’a pas cessé d’augmenter depuis plusieurs années. À l’heure où The Pirate Bay risque une fois de plus d’être bloqué, il serait peut-être temps de se poser les bonnes questions et de comprendre pourquoi les gens préfèrent télécharger. La gratuité n’est pas la première motivation.

Voir midi à sa porte. L’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle vient de publier son étude sur la situation du téléchargement illégal en France. Elle se vante d’une baisse du nombre d’internautes qui pratiquent du téléchargement en P2P. Elle attribue cette baisse à l’action de la Hadopi qui aurait réussi à faire suffisamment peur et dissuader les internautes de télécharger illégalement. Sauf que dans le même temps, le nombre de personnes qui téléchargent sur des serveurs dédiés (DDL) ou consomment des contenus en streaming augmente. Un bel exemple qui montre qu’on peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres. Pour réaliser cette étude, Médiamétrie s’est appuyée sur un panel d’internautes. Espérons pour eux qu’ils ne recevront aucun mail d’avertissement de la part de la Haute autorité ;-) !

Avertissement alerte attention warning prudence

CC duzern

Pirater, c’est voler. Vraiment ? Une étude universitaire japonaise vient d’être publiée et déconstruit certaines représentations liées au piratage. En effet, la contrefaçon est souvent présentée sous l’angle des pertes, une pratique qui représenterait un manque à gagner pour l’industrie culturelle. Or, cette étude tend à montrer que le piratage peut avoir également des effet bénéfiques en termes de vente. Elle a mis en lumière deux éléments : si les mangas qui ne sont pas terminés ne bénéficient pas d’une hausse des ventes grâce au piratage, il s’avère que les séries complètes profitent d’un regain économique grâce au téléchargement. La consommation illégale entraîne souvent un acte d’achat pour ce secteur éditorial.

Des mangas à foison. // Source : Scott Rocher

Des mangas à foison.

Source : Scott Rocher

La poule aux œufs d’or. Nintendo a décroché une fois de plus sa place dans le Copyright Madness. L’éditeur du célèbre Mario n’apprécie pas qu’on utilise des éléments de l’univers de Mario : il a donc attaqué une société japonaise, MariCar, qui propose de faire des balades en kart customisé à l’image du jeu Mario Kart. Nintendo a invoqué l’argument de la concurrence déloyale et estime que ce prestataire risque de troubler l’esprit des consommateurs en proposant des tours de kart avec des déguisements issus du jeu et faire de la publicité pour son service avec des éléments relevant de la propriété de Nintendo. Et Nintendo ne prend pas du tout les gens pour des buses pour défendre ses intérêts…

Mario Nintendo

CC José Luis Quintanilla

À la bonne franquette. On a appris que Google et Microsoft ont conclu un accord au Royaume-Uni avec les industries culturelles pour faire volontairement disparaître de la première page des résultats les liens vers des « sites illégaux ». L’idée est d’empêcher le grand public d’accéder à des oeuvres piratées. Le problème, comme toujours, avec ce genre de dispositif, c’est que l’on va laisser, au nom de la protection du droit d’auteur, des acteurs privés décider de ce qui est illégal ou non. Ce qui revient à en faire des « polices privées » fonctionnant sans intervention des juges.

Trademark Madness

Trump, again. Cela fait des mois que Donald Trump apparaît régulièrement dans notre chronique, le plus souvent en raison de son goût immodéré pour les marques. Cette semaine, on a appris qu’il avait remporté un litige en cours depuis près de 10 ans pour obtenir une marque sur son nom… en Chine ! Il se disputait avec une entreprise locale qui cherchait à profiter de sa notoriété. Le problème, c’est qu’au même moment Trump a  aussi annoncé sa décision de reconnaître que Taïwan fait bien partie d’une Chine indivisible. Or, plusieurs voix se sont élevées aux États-Unis pour dénoncer un conflit d’intérêt en accusant Trump d’avoir fait cette concession diplomatique en échange du contrôle de son nom. Espérons qu’il n’ira pas jusqu’à déclencher une guerre mondiale pour sa marque !

Chine

CC Riku Lu

Patent Madness

Copier/Coller. Une guerre des brevets fait rage en ce moment pour savoir qui contrôlera la méthode Crispr, un nouveau procédé qui permet d’éditer le génome des êtres vivants à la manière d’un simple copier/coller. Cette invention est le fruit de la collaboration de deux chercheuses de l’université de Californie, une Américaine et une Française. Mais un autre organisme de recherche, le Broad Institute de Cambridge, a réussi à les prendre de vitesse en déposant un brevet sur la méthode Crispr, par le biais d’une procédure plus coûteuse mais plus rapide. Depuis, les deux institutions se battent pour savoir qui contrôlera cette nouvelle technologie. Mais malgré ce litige, ne vous inquiétez pas : Monsanto a déjà réussi à récupérer une licence et ils font déjà joujou avec ces « ciseaux génétiques » pour produire de nouveaux OGM…

Copyright Wisdom

Des étoiles dans les yeux. On termine enfin par une bonne nouvelle, qui ravira les amateurs d’astronomie. L’agence spatiale européenne a annoncé la libération des images qu’elle produit, ainsi que certains jeux de données sous licence libre (Creative Commons CC-BY-SA). Elle s’aligne sur les pratiques de la Nasa dont les images sont depuis longtemps librement réutilisables. Cela signifie notamment que les photos d’un certain Thomas Pesquet devraient logiquement passer sous Creative Commons.

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !


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