Après près de 20 ans à la tête de Spotify, Daniel Ek passe la main. Le fondateur de la plateforme de streaming musicale a annoncé qu’il quitterait son poste de CEO le 1er janvier 2026 pour devenir président exécutif. Ce changement marque la fin d’une ère : il ne sera plus le capitaine quotidien du navire, mais il entend rester le stratège en chef, à la manière d’un Jeff Bezos (Amazon) ou d’un Reed Hastings (Netflix).
20 ans à bâtir un géant du streaming musical
Né à Stockholm en 1983, Daniel Ek s’intéresse très tôt à l’informatique et fonde ses premiers projets dès l’adolescence. Après un bref passage à l’Institut royal de technologie, il se lance dans l’entrepreneuriat et crée plusieurs sociétés avant de s’associer avec Martin Lorentzon pour lancer Spotify en 2006.
Sous sa direction, l’entreprise est passée d’une start-up suédoise à un mastodonte mondial, présent dans plus de 180 marchés. Spotify compte aujourd’hui près de 700 millions d’utilisateurs actifs mensuels, dont plus de 270 millions d’abonnés payants, ce qui en fait le numéro un mondial du streaming musical, loin devant Apple Music ou Amazon Music. La société, qui a fait son entrée à la Bourse de New York en 2018, affiche aujourd’hui une capitalisation boursière de 149 milliards de dollars (soit environ 127 milliards d’euros).
L’entreprise suédoise a révolutionné l’accès à la musique avec son modèle freemium, convaincu les grandes maisons de disques de parier sur le streaming, et intégré de nouveaux formats comme le podcast ou le livre audio. En 2024, après des années de pertes et plus de 15 milliards de dollars investis en développement et acquisition de contenus, l’entreprise atteint enfin la rentabilité et affiche un bénéfice net annuel (1,1 milliard d’euros).
Un dirigeant qui a affronté Apple
Daniel Ek restera aussi comme l’un des rares dirigeants européens de la tech à avoir affronté Apple. Spotify s’est battu contre les commissions de l’App Store, dénoncées comme injustes, et a porté le débat jusqu’à Bruxelles et Washington. Cette confrontation a renforcé son image de patron combatif, prêt à défier un géant américain. L’adoption puis entrée en vigueur du Digital Markets Act en 2023 a d’ailleurs renforcé Spotify : le texte oblige Apple à autoriser des paiements alternatifs et à laisser les applis communiquer directement avec leurs clients. Une victoire indirecte pour Daniel Ek, qui dénonçait depuis des années la « taxe » de 30 % imposée par l’App Store.
Le départ d’Ek du poste de CEO n’est pas un retrait. Il s’inscrit dans un repositionnement stratégique : moins manager du quotidien, plus visionnaire à la tête d’un empire. À travers son fonds d’investissement Prima Materia, doté de près d’un milliard d’euros, il soutient déjà des projets technologiques ambitieux, parfois controversés, comme Helsing, une start-up spécialisée dans l’IA appliquée à la défense. Un investissement qui a d’ailleurs entraîné Spotify au coeur d’une campagne de boycott dans le cadre du mouvement No Music for Genocide. Certains musiciens, comme Massive Attack, ont retiré leurs titres de la plateforme pour dénoncer le lien entre Spotify et les technologies de défense soutenues par Ek.
Qui va remplacer Daniel Ek ?
En prenant du recul, Daniel Ek suit la trajectoire de Jeff Bezos, qui a quitté la direction opérationnelle d’Amazon pour se concentrer sur la stratégie, l’espace et la recherche. Il se rapproche aussi de Reed Hastings, le fondateur de Netflix, qui s’est mis en retrait tout en continuant d’incarner l’esprit pionnier de la plateforme. Comme eux, Daniel Ek veut devenir cette figure tutélaire, davantage gourou que gestionnaire, capable d’inspirer et d’orienter sans être absorbé par l’exécution.
Cette transition n’est finalement que l’aboutissement d’un processus déjà engagé. « Ce changement de titre reflète simplement notre mode de fonctionnement actuel », explique le CEO via le communiqué. Depuis plusieurs années, Daniel Ek confiait de plus en plus la gestion opérationnelle à Gustav Söderström (directeur des produits et de la technologie) et Alex Norström (directeur commercial), qui deviennent aujourd’hui co-CEO. Lui se concentre désormais sur la vision de long terme, l’allocation de ressources et les grandes orientations de l’entreprise.
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