« Détends-toi et prends verre » disait Gable à la jeune femme qu’il avait rencontrée ce soir-là sur Tinder. Ils sont tous deux dans son appartement, dans le quartier connu sous le nom cliché de Surfer Paradise. Kanye West et James Blunt rythment la playlist que l’Australien d’une trentaine d’années a lancé : ils viennent de faire l’amour et sa partenaire d’une nuit a commencé à le frapper.
Elle s’appelle Warriena Wright, elle est Néo-zélandaise et passe de paisibles vacances en Australie. Ils se rencontrent sur Tinder, le réseau social de rencontre bien connu. Avant d’aller chez Gable Tostee, Warriena envoie un message Facebook à sa soeur dans lequel elle lui dit avoir rencontré le Sam Winchester australien : elle semble ravie d’avoir matché Gable qu’elle compare à un acteur de la série américaine Supernatural.
Ils vont se rencontrer, passer quelques minutes dans un pub, avant de partir acheter un pack de bières, commençant gentiment une nuit qui conduira le jeune homme devant le tribunal, après que Warriena ait été retrouvée morte.
La jeune femme est tombée du quatorzième étage, en chutant du balcon de Gable Tostee.
Cela faisait plus d’une semaine qu’ils avaient matché sur Tinder quand ils se voient pour la première et dernière fois, le 7 août 2014, donnant lieu à un des procès les plus étrangement connecté de la décennie. De Tinder à Instagram en passant par des forums, toutes les étapes de l’histoire se sont fait écho du web.
Match sordide
De l’étrange nuit du 7 août, il reste deux selfies du couple d’un soir, un enregistrement de leur discussion lorsque la rencontre dérape — 199 minutes d’enregistrement audio sur un Sony Xperia — et une photo effroyable pendant la chute de la jeune femme.
Il est difficile d’établir comment et pourquoi, mais le jeune homme savait que la rencontre allait mal finir. Il enregistre alors toute leur discussion : il expliquera que c’est une de ses habitudes avec ses rencontres Tinder. Un fichier qui sera retrouvé et présenté au jury dans son intégralité, mettant en avant un échange étrange, qui commence par des discussions sur la culture et la nourriture, avant de finir par le bruit, indescriptible, du corps qui heurte le sol.
Après avoir fait l’amour, leur discussion finit par déraper : apparemment saoule, Warriena frappe Gable à plusieurs reprises. Il devient menaçant, lui demande de partir. Puis il dérape, après qu’elle l’ait à nouveau frappé : il la met à terre et, selon le procureur, l’étrangle. Elle lui demande de la laisser partir. Ce à quoi cet homme ivre réplique : « J’aurais pu mais tu as été une méchante fille. » Il la pousse alors sur son balcon et ferme la porte à clef. Elle tente alors, en escaladant, de quitter le balcon, entraînant ainsi la chute qui lui sera fatale.
L’enregistrement montre une dispute insensée, visiblement entre deux personnes saoules : elle semble le frapper sans raison, il prend son téléphone et l’échange entre les deux passe des rires aux cris, sans logique apparente. En somme, si le fait divers semble plutôt classique, il est étonnant de voir comment, l’histoire à chaque instant est devenue un motif des réseaux sociaux. De la nuit de la mort de Wright, on en retient un drame manifeste d’un monde connecté, de Tinder, aux selfies comme pièces à conviction, jusqu’à l’enregistrement audio.
En fin de compte, le jury ne rendra pas Gable Tostee coupable de la mort de Warriena Wright. Disqualifiant ainsi le nom du procès Tinder Murder qui lui fut donné par la presse anglo-saxonne : l’incident est dramatique mais Tostee n’est vraisemblablement pas coupable d’un meurtre.
Néanmoins quelques heures avant le procès, le jugement donné a failli être invalidé.
La jurée qui en disait trop
En effet une membre du jury, qui tient visiblement très activement un compte Instagram sur lequel elle poste chaque jour des photos de café, a évoqué faire partie d’un jury chaque jour. Risquant ainsi son anonymat. Sur plusieurs de ses publications, elle évoque sa participation au procès.
Une telle erreur de sa part est assez incroyable. D’une jurée dans une affaire aussi médiatisée en Australie, les conséquences auraient pu être une invalidation du jugement. Néanmoins, après deux heures de délibération, le magistrat a jugé que bien que risqués, les commentaires sur Instagram de la jeune femme ne remettaient pas en cause l’impartialité de la décision du jury.
Mais cette histoire ne s’arrête pas là. La dernière révélation de l’affaire Tostee continue de dévoiler un scénario incroyable. L’affaire a hautement été disséquée et a fait l’objet d’une véritable enquête virtuelle par les internautes australiens qui ont fini par tomber sur une publication de Gable Tostee dans laquelle il explique sa version des faits, quelques jours après la mort de Warriena Wright. Le jeune homme est un habitué d’un forum de Body Building, qu’il a rejoint en juillet 2004. Le message, signé Gable, vient bien de Gable Tostee. Et contient un sondage pour déterminer s’il est coupable, visiblement inquiet du procès qui suivra la mort de la jeune femme.
On a du mal à y croire, mais le jeune homme documente son billet avec des photos de son appartement et d’un enregistrement tiré d’une altercation passée avec un policier. Il parle aussi des médias, qui dès le début de l’affaire font de lui un homme violent et passant beaucoup de temps sur Tinder à séduire des femmes. Un portrait que les journaux dressent en puisant dans ses échanges sur le même forum.
Le fait divers aussi anecdotique soit-il ne sera pas sans conséquences : la justice australienne commence déjà à réfléchir à la mise en quarantaine forcée des jurés sur les réseaux sociaux à cause des publications Instagram. Une réforme qui pourrait être menée prochainement.
Le jeune homme, qui va vers ses 35 ans, n’a fait aucun commentaire aux journalistes après le jugement : son avocat explique qu’il souhaite désormais avancer et regarder vers le futur. Un futur qu’il devra vivre en restant pour beaucoup, l’homme du meurtre de Tinder dans une affaire qui aura duré plus de deux ans.
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