Découvert pour la première fois en septembre 2021 à l’occasion d’un PlayStation Showcase musclé, Tchia avait fait sensation avec sa direction artistique pleine de charme. En vieux cynique désabusé, ma méfiance à l’égard d’un jeu qui semblait bien ambitieux a fini par l’emporter sur mon enthousiasme initial. J’ai eu raison d’être stupide et pessimiste, la surprise n’en a été que plus belle !

Développé par Awaceb, un studio à cheval entre Bordeaux et Montréal, Tchia est avant tout une lettre d’amour à la Nouvelle-Calédonie, dont une partie de l’équipe est originaire. Faune, flore, paysages, culture, folklore, nourriture… Bien que l’aire de jeu soit entièrement fictive, elle s’inspire largement de ce territoire méconnu et pourtant riche d’un patrimoine hors du commun. On s’en rend compte dès les premières minutes du jeu, tant la direction artistique éclate sur notre écran de toute sa luxuriance colorée. Tchia dévoile ainsi des panoramas enchanteurs avec ses îles verdoyantes, ses lagons turquoises, ses épaisses mangroves et ses couchers de soleil orangés qui donnent envie de faire ses valises sur le champ.

Habilement nappé d’un rendu proche du cel shading, le jeu peut afficher des textures volontairement minimalistes pour mettre le paquet sur la densité de la végétation et la distance d’affichage. On a ainsi un parfait cocktail de détails fourmillant aux abords de notre héroïne et d’un horizon lointain où se dessine toujours la silhouette d’un lieu que l’on a hâte d’aller explorer. Seule petite ombre au tableau : certains décors, notamment la grande ville centrale et les usines, ont un rendu bien morne. Mais on pourrait presque y voir une symbolique méta pour mettre encore mieux en valeur la beauté de la nature. Le jeu est également perturbé par quelques petits accrocs techniques (bugs résiduels ou petites baisses de frame rate). À l’échelle de ce que la petite équipe d’Awaceb a accompli, cela reste toutefois quasi insignifiant.

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Comme un petit goût de vacances… // Source : Capture d’écran

Tchia, la carte postale interactive

Dans Tchia, le dépaysement et l’immersion passent aussi par les oreilles. Tout d’abord, les doublages sont en français et en drehu (principale langue kanak). Mais on retient encore plus les musiques tout simplement magnifiques, à l’image du thème principal dont une sublime version accompagne nos virées en mer. L’aventure est également ponctuée de chansons qui rendent certains moments encore plus marquants (comme Je Reviens de Paul Wamo ❤️).

Sous ses airs de petit paradis terrestre où il fait bon flâner, le monde de Tchia cache une sombre réalité. Il est sous la coupe du démoniaque Meavora et son armée de soldats en tissu, les Maano. Désormais, d’immenses usines pompent l’énergie de ces terres ancestrales et la population est même victime de véritables rafles. C’est d’ailleurs ainsi que le père de Tchia sera embarqué de force par Pwi Dua, l’homme de main de Meavora, et embarqué loin de sa fille et de son îlet si paisible. Intrépide et pleine d’un optimisme désarmant, notre jeune héroïne va donc partir à l’aventure dans l’espoir de le libérer et de renverser ce pouvoir tyrannique qui étouffe peu à peu cet archipel de rêve.

Tchia s’annonce au départ comme un jeu d’exploration en open world sympathique, mais pas très original, où la majorité des missions principales ressemblent à des quêtes FedEx – des objets à aller chercher à droite, à gauche pour tel PNJ et progresser ainsi doucement dans l’histoire. Grâce au dépaysement et l’irrésistible bonhommie du jeu, ces faibles enjeux passent pourtant très bien tant l’exploration du monde est un vrai régal. Elle nous apprend naturellement à quitter les rails de la narration principale pour découvrir tous les à-côtés qui nous attendent dans cet archipel bien mystérieux. Puis, sans crier gare, au fil des heures, Tchia gagne en densité en musclant son propos et son gameplay. La conjonction de ces deux phénomènes donne une profondeur tout à fait inattendue à l’épopée.

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Il y a pleiiiiin de secrets à découvrir pour customiser ensuite le look de Tchia // Source : Capture d’écran

Répète après moi : « Je suis un sanglier »

Car malgré ses atours bon enfant, Tchia n’est pas du genre à se livrer facilement. Tout dans le jeu pousse à l’exploration, à la curiosité et même à l’expérimentation. Notre jeune héroïne a, par exemple, une carte pour se guider. Mais, contrairement à l’immense majorité des jeux, elle reste dans un cadre totalement diégétique puisque Tchia n’est pas affichée dessus. À nous de nous fier aux décors et à notre boussole pour nous repérer. La navigation sur notre petit radeau à voile et l’usage de l’appareil-photo reposent sur le même principe avec différentes interactions réalistes. Tous ces petits exemples résument parfaitement la philosophie du jeu qui, jusque dans ses moindres détails, cherche à créer un monde cohérent et à renforcer ainsi notre immersion.

Tchia cumule peu à peu les références assez nettes à Breath of the Wild, mais ne se dilue jamais dans de la pâle copie

La plus belle illustration de cette orientation reste le pouvoir magique de Tchia : le Bond d’âme. Notre jeune exploratrice peut ainsi prendre temporairement la forme des objets et animaux qui l’entourent, et profiter de leur capacité. Devenue oiseau, dauphin ou cerf, elle peut alors voler, nager ou galoper à tout rompre pour traverser l’aire de jeu plus facilement. Mais son pouvoir ouvre bien d’autres possibilités. Un caillou pourra s’insinuer dans d’étroits passages ; une chauve-souris voir la nuit ; une lanterne, devenir un puissant projectile explosif ; une planche, s’enflammer pour propager ensuite le feu facilement… Par cette mécanique, Tchia s’ouvre un vaste champ des possibles, où jugeote et créativité sont constamment invoquées.

Ce pouvoir est surtout utile pour les combats qui s’invitent au fil du temps, notamment dans la seconde partie de l’aventure. L’open world accueille quelques petits camps Maano à détruire et de vastes complexes à infiltrer dans le cadre de la campagne principale. Face à des ennemis de tissu, le feu sera votre meilleur allié. On fera alors virevolter Tchia de lanternes en bidon d’essence pour exploser tout ce petit monde dans des passages étonnamment nerveux et fun.

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Incarner un oiseau permet de traverser l’open world bien plus facilement ! // Source : Capture d’écran

Monde ouvert où l’exploration prime, graphismes colorés, gameplay qui pousse à l’expérimentation, combats ponctuels… Tchia cumule peu à peu les références assez nettes à The Legend of Zerlda: Breath of the Wild, mais ne se dilue jamais dans de la pâle copie. Le jeu d’Awaceb puise notamment beaucoup de fraîcheur dans ses à-côtés et la manière dont ils sont habilement intriqués au gameplay et à l’open world. Son mini-jeu où l’on empile des pierres permet de débloquer des mélodies magiques pour notre ukulélé. Tel l’ocarina de Link, il donnera alors accès à des pouvoirs très utiles (changer l’heure de la journée, créer une bulle d’oxygène pour respirer longtemps sous l’eau, invoquer des animaux…). Sculpter des totems en bois permet d’accéder à des temples où nous attendent des épreuves variées qui nous récompenseront de bonus d’énergie pour le Bond d’âme.

Si l’on trouve également une ribambelle de coffres et d’objets à collectionner pour débloquer des éléments cosmétiques, Tchia multiplie intelligemment les activités annexes et boucles de gameplay toujours gratifiantes pour encore plus nous motiver à chercher, fouiller, se promener et découvrir les innombrables secrets que recèle son archipel féérique.

Le verdict

On aurait tôt fait de ne voir en Tchia qu’un simple clone exotique de The Legend of Zelda: Breath of the Wild. Le titre d’Awaceb cache en réalité une aventure riche et passionnante, portée par une direction artistique pleine de charme et un gameplay d’une profondeur étonnante. Ode à la flânerie et merveilleux hommage à la Nouvelle-Calédonie, Tchia sait aussi tisser d’habiles liens entre son contenu et ses mécaniques de jeu pour créer une toile dans laquelle on se laisse piéger avec un plaisir sans cesse renouvelé.


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