Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Elle revient cette semaine sur les règles drastiques établies par Janet Jackson pour les photographies de ses concerts, la victoire en justice de Jay Z, accusé d’avoir violé le droit moral d’un musicien égyptien, la crainte d’ExxonMobil de voir ses clients confondre son logo avec celui de la Fox ou encore sur l’épilogue de la bataille judiciaire autour de la fonction Slide-To-Unlock. Bonne lecture, et à la semaine prochaine !

COPYRIGHT MADNESS

Cynisme. Certains extrémistes de la propriété intellectuelle nous laissent penser que le droit d’auteur est surtout un moyen de se faire de l’argent. C’est en tout cas ce que nous prouve Henry Hadaway, connu notamment pour être à l’origine du tube Birdie Song. L’individu a récemment poursuivi en justice une maison de disques qui a produit un CD avec des chansons de Mr. Lorenz, un autre compositeur. Dit comme cela, il ne semble y avoir aucun lien entre chaque partie. Mais figurez-vous que Mr. Lorenz est décédé en 2011 et a transféré une partie de ses droits à Henry Hadaway. C’est à ce titre qu’Hadaway a poursuivi la maison de disques. Il prétend avoir été victime d’une violation de droits d’auteur. Il va même plus loin et ose dire que la violation commise par la maison de disques est cynique ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

Science-Fiction. Les descendants d’auteurs célèbres ont du mal à admettre que l’œuvre de leurs aïeuls finisse par leur échapper pour entrer dans le domaine public. C’est arrivé dans le passé pour Sherlock Holmes, Le Petit Prince ou Le Journal d’Anne Frank. Voilà à présent que ce même problème se pose à propos de Buck Rogers, un des héros emblématiques des débuts de la science-fiction. La première apparition de ce personnage a eu lieu dans un roman écrit en 1928 par Philip Nowlan. Celui-ci étant mort en 1940, son œuvre devrait être dans le domaine public. Mais ses ayants droit prétendent toujours être en droit de faire payer sa réutilisation, notamment en vertu d’une marque déposée sur « Buck Rogers ». Or le producteur à l’origine de la série des Transformers au cinéma a l’intention d’adapter le roman de 1928 en film. L’affaire va dégénérer en procès et nous saurons bientôt ce que la justice pense de ce vilain copyfraud…

Cheese. La célébrité a dû monter à la tête de Janet Jackson et son équipe, qui ont mis en place un régime drastique pour les photographes de sa tournée. Les photographes de ses concerts ont reçu un contrat dans lequel est stipulé noir sur blanc qu’ils n’auront que trente secondes pour photographier la chanteuse pendant la première chanson. Cette clause est déjà scandaleuse, mais la dérive ne s’arrête pas là. Les photographes devront également tirer un trait sur leurs droits et les céder obligatoirement à la société de production de la famille Jackson. Quand on vous dit que la propriété intellectuelle, c’est le vol; vous allez peut-être finir par nous croire ;-) !

Pipeau. Le rappeur Jay Z et le producteur Timbaland peuvent souffler : la justice américaine leur a donné raison cette semaine dans une affaire les opposant au descendant d’un musicien égyptien. Il leur était reproché d’avoir réutilisé quatre notes de flûte (sic) pour faire un sample dans le morceau Big Pimpin’, qui était devenu un tube en 1999. Le pire, c’est que Jay Z avait bien payé à l’époque 100 000 dollars pour l’usage de ces quatre notes. Mais le fils du musicien égyptien a estimé que le droit moral de son père avait été violé, du fait des paroles très machistes du morceau Big Pimpin’. C’est toujours amusant de voir les ayants droit d’un auteur enfourcher les grands chevaux de la morale, surtout pour attaquer quelqu’un d’aussi solvable que Jay-Z… Les juges ne l’ont pas entendu de cette oreille et après sept années de procédure, ils ont estimé qu’il était temps que cette affaire de sample arrête de tourner en boucle ;-) !

Faible résolution. La Réunion des Musées Nationaux (RMN) est un peu notre grand champion national du copyfraud. Elle numérise les collections des musées de France, essentiellement pour revendre des reproductions via une banque d’images. La semaine dernière, l’établissement a annoncé le lancement d’un nouveau site, « Images d’Art », diffusant 500 000 images « à partager », nous dit-on. Sauf que lorsqu’on y regarde de plus près, toutes les images, même celles correspondant à des œuvres du domaine public, sont copyrightées et la résolution est ridiculement faible, empêchant les réutilisations créatives. Même faire un lien vers ce site est problématique, puisque c’est interdit « à des fins commerciales ou éditoriales » (WTF !). Bref à la RMN, on aime le patrimoine, mais uniquement recouvert par une couche de CGU bien dégueulasses…

TRADEMARK MADNESS

Classé X. Il y a certains cas de Trademark Madness qui relèvent d’une malhonnêteté intellectuelle sans nom. Cette semaine, c’est la société pétrolière ExxonMobil qui a décidé de chercher des poux à l’entreprise de média Fox. Cette dernière a développé un logo pour sa marque dans lequel on distingue deux X imbriqués l’un dans l’autre, que l’on retrouve aussi dans le logo d’Exxon. L’entreprise pétrolière craint que cette coquetterie provoque un risque de confusion chez les consommateurs. C’est évident, la prochaine fois que vous irez dans une station essence Exxon pour faire le plein, vous penserez certainement être en train de regarder une chaîne de télévision. Une telle mauvaise foi nous donne un coup de pompe !

Amstramgram. L’application de partage de photographies Instagram a gagné sa place dans le Copyright Madness de cette semaine, en réussissant à faire interdire la marque InstaWeather. Cette application permet à ses utilisateurs d’ajouter des informations météorologiques dans les tags d’une photo publiée sur Instagram. Autrement dit, en dehors d’Instagram, InstaWeather ne présente pas un grand intérêt. Mais Instagram affirmait qu’InstaWeather profitait de la renommée du service pour se faire connaître auprès des utilisateurs. Et bien évidemment, ils ont aussi invoqué le sempiternel argument selon lequel il y avait un possible risque de confusion dans l’esprit des utilisateurs. Tout ce barouf pour une appli qui permet de mettre la température sur une photo qui vient d’être prise… Ce serait bien d’expliquer aux entreprises que les marques ne doivent pas servir à faire la pluie et le beau temps !

PATENT MADNESS

Slide-to-Unlock. Nous nous étions réjouis d’apprendre, il y a quelques semaines, que le brevet sur la fonctionnalité Slide-To-Unlock a été déclaré invalide en Allemagne. Le Bureau des brevets avait en effet considéré que ce dispositif ne pouvait pas être considéré comme une « solution à un problème technique ». Mais un réexamen de cette décision est survenu cette semaine et les juges ont été d’un avis différent. Ils estiment en effet que le Slide-To-Unlock a pour fonction de fournir à l’utilisateur un « feedback visuel » et que, de ce point de vue, il aurait pu être considéré comme une invention. Cependant, ils ont ajouté qu’en vertu de l’état de l’art au moment du dépôt de brevet, Apple n’avait pas été suffisamment inventif pour mériter une protection. L’invalidité du brevet est conservée, mais c’est quand même une petite victoire pour Apple, car cela permettra de déposer à l’avenir des brevets sur des fonctionnalités élémentaires et d’en garder le contrôle.

COPYRIGHT WISDOM

Coquetterie. Raanan Katz est un riche personnage, ayant fait fortune dans l’immobilier, qui figure parmi les propriétaires du club de basket des Miami Heat. Une dispute a éclaté avec un de ses anciens locataires, qui a ouvert un blog pour dénoncer ses pratiques commerciales déloyales. Il a réutilisé sur ce site une photo montrant Raanan Katz sous un jour peu élogieux, en train de tirer la langue. Ce dernier a cherché à faire fermer ce blog avec une plainte pour diffamation, qui n’a pas abouti. Il a alors eu l’idée de rechercher le photographe ayant pris le cliché et de lui racheter les droits pour attaquer ensuite le blogueur pour violation de droit d’auteur ! Heureusement, la justice américaine a refusé de reconnaître que l’on pouvait ainsi utiliser le droit d’auteur à des fins de censure et elle a reconnu le bénéfice du fair use (usage équitable) au blogueur. Raanan Katz n’a pas fini de faire la grimace !

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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